Texte traduit, et légèrement adapté, de Robert DAHL : “On democracy”, Yale UP 2000 (ma traduction). Ce texte fait suite à "Qu'est-ce que la démocratie ?" -- part 1 & part 2. Les documents donnés en illustration ne sont pas dans l'original.
Pourquoi doit-on préférer la démocratie ? Plus précisément, pourquoi faut-il préférer la démocratie à tout autre mode de gouvernement d’un Etat ?
Permettez-moi d’énumérer quelques bonnes raisons. En comparaison des alternatives envisageables, la démocratie présente de nombreux avantages :
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1. La démocratie nous aide à prévenir l’apparition d’autocrates cruels et vicieux.
L’Etat représente un type unique d’association : son gouvernement dispose de la capacité extraordinaire de faire respecter les règles qu’il édicte en usant au besoin de la force, de la coercition, de la violence.
Dans ces conditions, le problème politique peut-être le plus fondamental et le plus éternel consiste à prévenir les dérives autocratiques. L’Histoire abonde de leaders qui, inspirés par la mégalomanie, la paranoïa, l’intérêt personnel, l’idéologie, le nationalisme, la foi religieuse, la conviction de leur supériorité intrinsèque, ou simplement l’impulsion du moment, ont utilisé le pouvoir de violence de l’Etat pour servir leurs propres fins. Le coût humain de ces gouvernements despotiques ne peut se comparer qu’à celui des guerres, des épidémies, ou des famines. Pour le 20ème siècle, citons les démocides imputables aux règnes de Staline, Hitler ou Pol Pot. (...)
Certes, il est arrivé que les démocraties aussi agissent injustement et cruellement. Par le passé, certains groupes sociaux furent longtemps privés de droits politiques (minorités ethniques, peuples colonisés, ...) : ils étaient gouvernés, ils ne gouvernaient pas. La solution de ce problème fut évidente : les droits démocratiques devaient être étendus aux groupes sociaux jusque là exclus de la citoyenneté. Cette solution fut progressivement adoptée tout au long du 19ème et du 20ème siècle, jusqu’à ce que finisse par s’imposer le suffrage universel.
Pourtant, me direz-vous, même avec le suffrage universel, la démocratie peut causer des préjudices considérables à certaines catégories de citoyens. C’est cet aspect tyrannique de la démocratie que Tocqueville appelait « la tyrannie de la majorité ». .
Texte 1
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Qu’est-ce donc qu’une majorité prise collectivement, sinon un individu qui a des opinions et le plus souvent des intérêts contraires à un autre individu qu’on nomme la minorité ? Or, si vous admettez qu’un homme revêtu de la toute-puissance peut en abuser contre ses adversaires, pourquoi n’admettez-vous pas la même chose pour une majorité ? [...] Lorsqu’un homme ou un parti souffre d’une injustice aux États-Unis, à qui voulez-vous qu’il s’adresse ? A l’opinion publique ? C’est elle qui forme la majorité ; au corps législatif ? Il représente la majorité et lui obéit aveuglément ; au pouvoir exécutif ? Il est nommé par la majorité et lui sert d’instrument passif ; à la force publique ? La force publique n’est autre chose que la majorité sous les armes ; au jury ? Le jury, c’est la majorité revêtue du droit de prononcer des arrêts : les juges eux-mêmes, dans certains États, sont élus par la majorité. Quelque inique ou déraisonnable que soit la mesure qui vous frappe, il faut donc vous y soumettre.
Qu’est-ce donc qu’une majorité prise collectivement, sinon un individu qui a des opinions et le plus souvent des intérêts contraires à un autre individu qu’on nomme la minorité ? Or, si vous admettez qu’un homme revêtu de la toute-puissance peut en abuser contre ses adversaires, pourquoi n’admettez-vous pas la même chose pour une majorité ? [...] Lorsqu’un homme ou un parti souffre d’une injustice aux États-Unis, à qui voulez-vous qu’il s’adresse ? A l’opinion publique ? C’est elle qui forme la majorité ; au corps législatif ? Il représente la majorité et lui obéit aveuglément ; au pouvoir exécutif ? Il est nommé par la majorité et lui sert d’instrument passif ; à la force publique ? La force publique n’est autre chose que la majorité sous les armes ; au jury ? Le jury, c’est la majorité revêtue du droit de prononcer des arrêts : les juges eux-mêmes, dans certains États, sont élus par la majorité. Quelque inique ou déraisonnable que soit la mesure qui vous frappe, il faut donc vous y soumettre.
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Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique
En fait, quelque soit le régime politique adopté, les lois et règlements causeront toujours un préjudice à certains. La question n’est donc pas de savoir si un gouvernement démocratique pourrait ne heurter personne, mais si, sur la longue durée, il est plus apte qu’un gouvernement non démocratique à minimiser les conséquences adverses de ses actions. Ne serait-ce que parce qu’elle limite les possibilités d’abuser du pouvoir, la démocratie satisfait mieux que d’autres systèmes à cette exigence.
Il reste qu’on ne saurait raisonnablement justifier la commission d’un crime en constatant que les autres en commettent de plus grands. Même infligée par des voies démocratiques, une injustice reste une injustice. “Majority might does not make majority right”.
2. La démocratie garantit aux citoyens des droits fondamentaux que les systèmes non démocratiques ne peuvent garantir.
La démocratie n’est pas seulement un processus de gouvernement, elle est aussi un système de droits. Prenez « la participation effective » : ce critère implique que l’on reconnaisse aux citoyens le droit d’exprimer leurs opinions, de discuter des affaires publiques avec d’autres citoyens... Ou bien « l’égalité de vote » : ce critère implique que l’on reconnaisse aux citoyens le droit de vote... Et ainsi de suite... Aucun système non démocratique ne confère à ses citoyens une telle palette de droits politiques. Si c’était le cas, ce serait une démocratie !
3. La démocratie aide les individus à défendre leurs intérêts.
Personne ne l’a dit avec plus de force que John Stuart Mill : un principe de « vérité et d’applicabilité universelle » est que « les droits et les intérêts de chacun doivent être pris en compte pour peu que la personne soit apte et disposée à les défendre. Les hommes ne sont à l’abri des mauvaises actions d’autrui que s’ils ont le pouvoir de s’en protéger par eux-mêmes. » Vous pouvez protéger vos droits et intérêts contre les abus du gouvernement, et de ceux qui l’influencent ou le contrôlent, si seulement vous pouvez participer pleinement à la détermination de la conduite du gouvernement. JS Mill conclut : « il n’est rien de plus désirable que l’admission de chacun à une part du pouvoir souverain de l’Etat. »
Mill avait raison. Le droit de vote ne garantit pas que vos intérêts seront convenablement protégés. Mais si vous êtes exclu du corps électoral, vous pouvez tenir pour certain que vos intérêts seront ignorés ou bafoués. L’inclusion vaut mieux que l’exclusion !
Texte 2
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L'un des traits saillants de l'atroce histoire des famines est qu'on n'en a jamais vu survenir dans un pays doté d'un gouvernement de type démocratique et d'une presse libre. (…) Cette connexion pourra sembler factice si l'on songe que les pays démocratiques sont en général plutôt riches. Mais il est des pays démocratiques qui sont pauvres et qui ne connaissent pas non plus de famines. Ainsi l'Inde a connu des famines jusqu'à l'époque de l'indépendance, en 1947 ; la dernière survint au Bengale en 1943 et causa la mort de 2 à 3 millions de personnes. Mais depuis l'indépendance et l'installation du multipartisme, on n'a plus vu de grave famine, malgré de très mauvaises récoltes et des disettes assez fréquentes. Comment la démocratie prévient-elle les famines ? La réponse est aisée. Les famines tuent des millions de gens dans divers pays de la planète, mais elles ne tuent pas leurs maîtres. Les rois et les présidents, les bureaucrates et les chefs, les officiers et les commandants ne crèvent jamais de faim. En l’absence d’élections, de partis d'opposition, de presse libre, les autorités n'ont pas à essuyer les conséquences politiques de leur impéritie. La démocratie, elle, étendrait le prix de ce fléau aux groupes dirigeants.
L'un des traits saillants de l'atroce histoire des famines est qu'on n'en a jamais vu survenir dans un pays doté d'un gouvernement de type démocratique et d'une presse libre. (…) Cette connexion pourra sembler factice si l'on songe que les pays démocratiques sont en général plutôt riches. Mais il est des pays démocratiques qui sont pauvres et qui ne connaissent pas non plus de famines. Ainsi l'Inde a connu des famines jusqu'à l'époque de l'indépendance, en 1947 ; la dernière survint au Bengale en 1943 et causa la mort de 2 à 3 millions de personnes. Mais depuis l'indépendance et l'installation du multipartisme, on n'a plus vu de grave famine, malgré de très mauvaises récoltes et des disettes assez fréquentes. Comment la démocratie prévient-elle les famines ? La réponse est aisée. Les famines tuent des millions de gens dans divers pays de la planète, mais elles ne tuent pas leurs maîtres. Les rois et les présidents, les bureaucrates et les chefs, les officiers et les commandants ne crèvent jamais de faim. En l’absence d’élections, de partis d'opposition, de presse libre, les autorités n'ont pas à essuyer les conséquences politiques de leur impéritie. La démocratie, elle, étendrait le prix de ce fléau aux groupes dirigeants.
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Amartya Sen, Le Monde du 28 oct. 1998
4. Seul un gouvernement démocratique est à même d’offrir aux citoyens la plus grande possibilité d’exercer la liberté d’autodétermination, i.e. le droit de vivre sous les lois de leur choix.
La vie en société a un prix : on ne peut pas toujours faire ce que l’on veut. Faute de pouvoir imposer vos vues par la force, il vous faut bien composer avec les autres et trouver le moyen de régler pacifiquement vos différents, éventuellement en faisant des compromis. Une question surgit alors, extrêmement complexe : comment pouvez-vous être à la fois libre de choisir les lois que l’Etat fera exécuter, et dans le même temps, les ayant choisies, ne pas être libre de leur désobéir ?
Si vous et vos concitoyens étiez toujours d’accord, il n’y aurait pas de problème: les lois seraient simplement adoptées à l’unanimité. A la limite, vous n’auriez même pas besoin de loi : en obéissant aux lois, vous obéiriez à vous-mêmes. L’harmonie parfaite règnerait et l’utopie de l’anarchie serait devenue réalité. Hélas ! une unanimité sincère, spontanée, durable est chose rare dans les affaires humaines ; un consensus parfait et durable est un but inaccessible. Notre difficile question demeure donc irrésolue.
Si nous ne pouvons raisonnablement espérer vivre en parfaite harmonie avec nos semblables, nous pouvons au moins envisager un processus de décision qui réponde à ces quelques critères raisonnables :
- le processus garantit qu’avant qu’une loi soit adoptée, tous les citoyens aient eu la possibilité de faire connaître leur point de vue ;
- le processus garantit aussi que tous les citoyens aient eu la possibilité de discuter, délibérer, négocier, faire des compromis, de sorte que, dans les circonstances les plus favorables, il advienne que la loi satisfasse tout le monde ;
- dans la mesure où cette dernière éventualité demeure exceptionnelle, la proposition de loi qui recueille le plus grand nombre de suffrage sera adoptée.
- le processus garantit aussi que tous les citoyens aient eu la possibilité de discuter, délibérer, négocier, faire des compromis, de sorte que, dans les circonstances les plus favorables, il advienne que la loi satisfasse tout le monde ;
- dans la mesure où cette dernière éventualité demeure exceptionnelle, la proposition de loi qui recueille le plus grand nombre de suffrage sera adoptée.
Ces critères sont constitutifs de l’idéal démocratique. Certes, un tel processus ne garantit pas que tous les citoyens vivront sous les lois qu’ils ont choisies, mais il étend le champ de l’autodétermination au maximum de ses limites réalistes. Même si vos propositions ne sont pas retenues par la majorité, vous pouvez néanmoins reconnaître que le processus de décision est plus satisfaisant qu’aucun autre envisageable. Dans cette mesure, vous exercez votre liberté d’autodétermination en choisissant librement de vivre sous une constitution démocratique plutôt que sous une constitution qui ne le serait pas.
5. La démocratie favorise le développement humain davantage que les systèmes non démocratiques.
Un homme bien composé doit être capable de s’occuper de lui, de prendre soin de ses intérêts plutôt que de compter sur les autres. Il nous parait désirable qu’il agisse de façon responsable, en pesant les conséquences des différentes lignes d’actions qui s’ouvrent à lui, en considérant les droits et les devoirs des autres aussi bien que les siens. Il doit aussi être capable de débattre des problèmes intéressant la communauté. A la naissance, la plupart des gens ont le potentiel pour développer ces capacités. La mesure dans laquelle ils les développent effectivement est une affaire de circonstances. Parmi ces circonstances, il y a la nature du système politique dans lequel ils vivent. Seuls les systèmes démocratiques offrent les conditions favorables au plein développement de ces qualités. Tous les autres régimes limitent, parfois drastiquement, l’espace dans lequel les gens peuvent agir pour défendre leurs intérêts personnels, considérer les intérêts des autres, assumer la responsabilité de certaines décisions importantes, et s’engager librement dans la recherche collective de la meilleure décision.
Un mode de gouvernement démocratique n’est pas une condition suffisante pour garantir que les gens développeront ces qualités, mais il en est une condition essentielle.
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Texte 3
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L’objectif principal du développement est d’offrir aux peuples le plus grand choix possible. Ces choix peuvent être illimités comme ils peuvent changer avec le temps. L’être humain apprécie souvent ces services qui ne figurent pas, ou pas dans l’immédiat, dans les statistiques liées aux revenus ou à la croissance : un plus grand accès au savoir, une meilleure alimentation et de meilleurs services sanitaires, la sécurité des moyens de subsistance, la protection contre les crimes et les violences physiques, des moments de loisirs de qualité, les libertés politiques et culturelles et une participation aux activités de la communauté. L’objectif du développement est de créer un environnement qui permet à l’être humain de vivre plus longtemps, en bonne santé et de manière créative.
L’objectif principal du développement est d’offrir aux peuples le plus grand choix possible. Ces choix peuvent être illimités comme ils peuvent changer avec le temps. L’être humain apprécie souvent ces services qui ne figurent pas, ou pas dans l’immédiat, dans les statistiques liées aux revenus ou à la croissance : un plus grand accès au savoir, une meilleure alimentation et de meilleurs services sanitaires, la sécurité des moyens de subsistance, la protection contre les crimes et les violences physiques, des moments de loisirs de qualité, les libertés politiques et culturelles et une participation aux activités de la communauté. L’objectif du développement est de créer un environnement qui permet à l’être humain de vivre plus longtemps, en bonne santé et de manière créative.
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Mahbub ul Haq, Premier Rapport sur le développement humain, PNUD 1990
6. Les nations démocratiques ne se font pas la guerre.
Il y eut 34 guerres internationales entre 1945 et 1989 : aucune n’a mis aux prises des nations démocratiques. Qui plus est, à aucun moment n’a pointé dans l’opinion publique le désir ou la crainte d’une guerre entre elles. Ces constats valent aussi avant 1945.
Les raisons en sont peu claires. Il est probable que la forte intégration économique des nations démocratiques, mesurée par l’importance du commerce extérieur, les dispose davantage à la paix qu’à la guerre. Mais il est aussi vrai que les citoyens et les leaders des nations démocratiques ont appris l’art du compromis ; ils ont aussi appris à considérer les étrangers avec moins de crainte ou de défiance, à voir en eux leurs semblables ; enfin, l’histoire leur a appris à rechercher la paix plutôt que la guerre.
Par conséquent, un monde plus démocratique serait aussi un monde plus paisible.
7. Les nations démocratiques sont plus prospères que les autres.
Les nations démocratiques sont prospères, et en comparaison, les nations non démocratiques sont pauvres.
C’est devenu particulièrement évident dans la seconde moitié du 20ème siècle. L’explication tient en partie aux affinités entre la démocratie représentative et l’économie de marché. Dans une économie de marché, les marchés ne sont pas trop administrés, les travailleurs sont libres de changer d’emploi et de lieu de résidence, des entreprises privées sont en concurrence entre elles pour vendre leurs produits et se procurer leurs ressources, les consommateurs sont libres de choisir parmi les biens et les services offerts par une pluralité de vendeurs en concurrence entre eux. A la fin du 20ème siècle, bien que toutes les nations à économie de marché ne soient pas démocratiques, toutes les nations démocratiques ont une économie de marché.
Or, depuis deux siècles, l’économie de marché a produit davantage de prospérité que tout autre système économique. Les nations démocratiques contemporaines ayant toutes une économie de marché, et les nations à économies de marché ayant plus de chances d’accéder à la prospérité, il en résulte que les nations démocratiques contemporaines sont souvent des nations prospères.
PIB par habitant (en $ aux parités de pouvoir d’achat) des pays de l’Est et des pays développés à économie de marché, en 1989-1990 .
Bradford Delong, Cours d’histoire économique du 20ème siècle, Berkeley 1997
Les démocraties disposent d’autres avantages économiques. En premier lieu, les nations démocratiques s’attachent à développer l’éducation ; or, une population active éduquée favorise la croissance économique et l’innovation. En second lieu, l’empire du droit trouve dans les démocraties un terrain plus favorable : les juges y sont plus indépendants ; les droits de propriété mieux protégés ; les obligations contractuelles mieux respectées ; l’intervention arbitraire de l’Etat et des politiciens dans la vie économique moins fréquent. Enfin, les économies modernes dépendent des communications, et les barrières à la communication sont moins élevées dans les démocraties ; l’accès à l’information et l’échange d’informations y sont plus aisés, et beaucoup moins dangereux que dans la plupart des systèmes non démocratiques.
En résumé, malgré quelques notables exceptions dans les deux cas, les nations démocratiques contemporaines ont constitué un environnement plus hospitalier que les nations non démocratiques pour accéder aux bienfaits de l’économie de marché et de la croissance économique.
Pour autant, s’il est vrai que la démocratie et l’économie de marché profitent l’une à l’autre, nous ne devons pas perdre de vue le coût que celle-ci impose à celle-là. Parce qu’elle crée de l’inégalité économique, l’économie de marché réduit les chances d’accéder à une véritable égalité politique entre tous les citoyens des nations démocratiques.
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Source : PNUD, Rapport sur le Développement Humain 2002
8. Seul un gouvernement démocratique est à même d’offrir aux citoyens la plus grande possibilité d’exercer leur responsabilité morale.
Exercer sa responsabilité morale, cela signifie que vous adoptez des principes moraux et prenez des décisions fondées sur ces principes, après avoir bien pesé les différentes options et leurs conséquences. Etre moralement responsable, c’est se gouverner soi-même dans tous les domaines qui relèvent de choix moraux. Or, si les possibilités de vivre sous les lois de votre choix sont restreintes, l’espace de votre responsabilité morale est restreint lui-aussi. Comment pourriez-vous être responsable de décisions qui échappent à votre contrôle ? Si vous ne pouvez influencer la conduite des dirigeants, comment seriez-vous responsable de leur conduite ?
Dans la mesure où nous sommes partie prenante aux décisions collectives, le processus démocratique nous permet d’exercer notre responsabilité morale.
Texte 4
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Dostoïevski a dit : « Tout homme est responsable de tout devant tous. » Cette formule devient de jour en jour plus vraie. À mesure que la collectivité nationale s'intègre davantage dans la collectivité humaine, à mesure que chaque individu s'intègre davantage dans la communauté nationale on peut dire que chacun de nous devient de plus en plus responsable, de plus en plus largement responsable. Nous avons tenu tout Allemand qui n'avait pas protesté contre le régime nazi pour responsable de ce régime, et s'il existe chez nous, ou dans quelque pays que ce soit, une forme quelconque d'oppression raciale ou économique, nous tenons pour responsable chacun de ceux qui ne la dénoncent pas. Et si quelque injustice, aujourd'hui qu'il y a tant de moyens de communication et d'information entre les nations, est commise en quelque lieu de la terre que ce soit, nous commençons aussi à porter la responsabilité de cette injustice. Aussi ce mot cher aux Américains : one world – un seul monde – cela signifie beaucoup de choses, mais entre autres que chacun est responsable de tout ce qui se passe dans le monde.
Dostoïevski a dit : « Tout homme est responsable de tout devant tous. » Cette formule devient de jour en jour plus vraie. À mesure que la collectivité nationale s'intègre davantage dans la collectivité humaine, à mesure que chaque individu s'intègre davantage dans la communauté nationale on peut dire que chacun de nous devient de plus en plus responsable, de plus en plus largement responsable. Nous avons tenu tout Allemand qui n'avait pas protesté contre le régime nazi pour responsable de ce régime, et s'il existe chez nous, ou dans quelque pays que ce soit, une forme quelconque d'oppression raciale ou économique, nous tenons pour responsable chacun de ceux qui ne la dénoncent pas. Et si quelque injustice, aujourd'hui qu'il y a tant de moyens de communication et d'information entre les nations, est commise en quelque lieu de la terre que ce soit, nous commençons aussi à porter la responsabilité de cette injustice. Aussi ce mot cher aux Américains : one world – un seul monde – cela signifie beaucoup de choses, mais entre autres que chacun est responsable de tout ce qui se passe dans le monde.
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Jean-Paul Sartre, "La responsabilité de l'écrivain", Conférence à la Sorbonne, 1er novembre 1946
2 commentaires:
Intéressant article qui vient compléter les 2 autres sur la démocratie, que j'ai lus au préalable.
Cette description de la démocratie idéale met en exergue le trou béant entre théorie et pratique ; il suffit de prendre le cas de la France en exemple : une caste de politiciens, agissant quasiment toujours plus pour leur groupe que pour le bien-commun (exemple récent : Hadopi), en place pour des décennies, monopolise de fait le pouvoir, ce malgré la tenue régulière d'élections respectant le processus démocratique. Celui-ci, en réalité, montre toutes les limites de l'idéal ici décrit.
PS : je me permets : différenDs, et de manière récurrente : "quelque soit" devrait souvent être "quel(le-lles-s) que soi(en)t"
J'arrive un peu en retard !
Je pense qu'il aurait été intéressant de rajouter un paragraphe sur le risque de guerre civile. Augmenter ou diminuer en démocratie ?
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