Un touriste américain, qui vient de changer ses dollars en roupies, a tôt fait de se rendre compte qu’il peut acheter en Inde avec ses roupies beaucoup plus de services qu'aux Etats-Unis avec ses dollars. Pour les biens manufacturés, en revanche, le pouvoir d’achat local de ses roupies est à peu près le même que celui de ses dollars aux Etats-Unis. La raison en est la suivante : le taux de change courant est celui qui égalise le coût des produits qui s’échangent sur le marché mondial. Sans quoi il serait possible de bâtir d'énormes fortunes en achetant ces biens là où ils sont bon marché pour les vendre là où ils sont chers.
Exemple : si un ordinateur fabriqué en Inde coûte 10 000 roupies alors que le même ordinateur fabriqué aux Etats-Unis coûte 1000 $, le taux de change du marché s’établira à 1 $ = 10 roupies.
Le problème est que le commerce international porte essentiellement sur des biens, très peu sur des services. On voit mal, en effet, comment un cuisinier de Bangalore pourrait tirer avantage du fait que la cuisine au curry est très demandée à San Francisco ! Du moins aussi longtemps que les pays riches limiteront l’entrée des immigrants en provenance des pays pauvres. Il en résulte que les taux de change ne reflètent pas les différences de coûts de production entre les services. Un biais d'autant plus facheux que ces derniers représentent l’essentiel de la consommation des ménages, et que les différences de prix réels d’un pays à l’autre sont beaucoup plus faibles sur les services que sur les produits manufacturés (*).
Les différences de PIB par hab. exprimés en $ aux taux de change courants (TCC) ne reflètent donc pas la différence réelle des niveaux de vie.
Pour remédier à ce problème et parvenir à des comparaisons internationales de niveaux de vie qui soient à peu près fiables, les économistes, not. à la Banque Mondiale ou à l’OCDE, s’efforcent de convertir la monnaie de chaque pays en $ PPA, c'est à dire à un taux qui vérifie la parité des pouvoirs d'achat dans les différents pays.
Exemple: s’il faut 100 $ à New York pour remplir un panier de la ménagère standard, et 200 roupies à Delhi, le taux de change qui vérifie la parité de pouvoir d’achat en Inde et aux USA est de 1$ = 2 roupies. A ce taux, 2 roupies à Delhi permettent d’acheter la même quantité de biens & services que 1 $ aux USA. Si, par comparaison, le taux de change courant est de 1$ = 10 roupies, on en déduit que le PIB par habitant de l'Inde calculé en $ courant sous-estime de 80 % le niveau de vie réel des indiens !
Le problème est qu’il n’est pas facile de calculer les taux de change aux parités de pouvoir d’achat. La définition d’un panier standard de biens n’est pas chose aisée, car la consommation des américains est très différente de celle des indiens. Faute de moyens, les relevés de prix et les pondérations retenues sont forcément approximatifs.
Une façon de contourner ces difficultés consiste à se fixer sur un bien universel et aux caractéristiques strictement identiques d’un pays à l’autre. C'est le cas du Big Mac. Mac Donald est en effet présent dans tous les pays riches et dans la plupart des pays émergents, et son Big Mac est le même partout. D’où l’intérêt de comparer les prix du Big Mac en monnaie locale pour calculer un taux de change vérifiant la parité de pouvoir d’achat avec un Big Mac américain. C’est ce que fait chaque année The Economist avec son Big Mac Index.
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Dans la 1ère colonne, le prix du Big Mac est exprimé en monnaie locale. Dans la 2ème colonne, il est convertie en $ aux taux de change courants. Pour trouver le Big Mac le moins cher, il faut aller en Chine (1,45 $), et le plus cher se trouve en Islande (7,61$). Dans la 3ème colonne, apparaît le Big Mac PPA, i.e. le taux de change du $ qui mettrait, pour chaque pays, le Big Mac au même prix qu’aux Etats-Unis. Il se calcule en divisant le prix en monnaie locale par le prix moyen d’un Big Mac dans les grandes villes américaines, soit en moyenne 3,41 $ (taxes incluses).
Exemple 1 : à Tokyo, le Big Mac coûte 280 ¥, soit 2,29 $ au taux de change courant (1 $ = 122 ¥). Mais le taux de change qui vérifie la parité de pouvoir d’achat est égal à 280 ¥ / 3,41 $ (le prix du Big Mac aux USA) : soit 1$ = 82,1 yens, ce qui signifie qu’un $ aux Etats-Unis a le même pouvoir d’achat que 82 yens au Japon. On en déduit que le yen est sous-évalué de 33 % (122 – 82 / 122).
Exemple 2 : par contraste, l’euro est surévalué de 22 %. Sur le marché des changes, un euro vaut 1,36 $. Un Big Mac coûtant 3,06 €, en moyenne, dans la zone euro, le taux qui vérifie la parité des pouvoirs d’achat du Big Mac dans l’UE et aux USA est de 1 € = 1,12 $ (3,41 / 3,06).
Exemple 3 : à Pékin, un Big Mac coûte 11 yuans, soit 1,45 $ au taux de change courant (1 $ = 7,6 yuans). Mais le taux qui vérifie la parité des pouvoirs d’achat du Big Mac en Chine et aux USA est de 1 $ = 3,23 yuans. On en déduit que le yuan est sous-évalué de 58 %. Autrement dit, si le PIB de la Chine est converti en $ sur la base du Big Mac PPA, il serait plus de deux fois plus élevé qu’aux taux de change courants.
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(*) Note : Cela tient au fait que les écarts de productivité sont beaucoup plus grands dans l'industrie manufacturière que dans les services. Par exemple, il faut dix fois moins de travail pour produire un ordinateur aux Etats-Unis qu’en Inde mais il faut dans les deux pays un quart d’heure à un coiffeur pour faire une coupe de cheveux, ou à un médecin pour une consultation, etc…
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Sources :
Macroeconomics, by J. Bradford DeLong, University of California - Berkeley
The Big Mac Index, The Economist, juillet 2007
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