24 nov. 2005

Séparation des parents et réussite scolaire des enfants

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Dans quelle mesure la séparation des parents affecte-t-elle la réussite scolaire des enfants ?

Selon une étude de l’INED, publiée il y a trois ans, le taux de bacheliers parmi les jeunes dont les parents étaient séparés lorsqu’ils avaient 18 ans, était sensiblement plus bas que celui des jeunes dont les parents étaient restés unis :

Tableau. % des jeunes de 20 à 25 ans ayant eu leur bac, selon que leurs parents étaient unis ou séparés à 18 ans, et selon l'origine sociale
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Père Cadre & Mère diplômée du supérieur (N = 548)
Parents unis : 93
Parents séparés : 85
Ecart (en points) : - 8
Père Cadre & Mère sans diplôme supérieur (N = 1 920)
Parents unis : 63
Parents séparés : 52
Ecart (en points) : - 11
Père Ouvrier & Mère diplômée (N = 752)
Parents unis : 33
Parents séparés : 28
Ecart (en points) : - 5
Père Ouvrier & Mère sans diplôme (N = 2 712)
Parents unis : 20
Parents séparés : 14
Ecart (en points) : - 6
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D’après Paul Archambault - INED, Population et Sociétés, n° 379, mai 2002. Source: INSEE, enquête Jeunes 1992.
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Reste à savoir si la séparation des parents est la cause des difficultés scolaires de l'enfant ou si ce sont plutôt les circonstances antérieures au divorce qui sont à l'origine de ces difficultés. Le divorce ne serait alors qu'un révélateur d'un climat familial déjà défavorable à la réussite scolaire.

Pour le savoir, Thomas Piketty a étudié le devenir scolaire d’une cohorte d’élèves entre 1992 et 2001. Le taux d’élèves à l’heure sert ici d’indicateur du niveau scolaire.

S’il se confirme que les élèves dont les parents sont séparés sont plus souvent à l'heure que ceux dont les parents sont unis (l’écart est de 8 points), il apparaît aussi qu’on ne saurait imputer à la séparation des parents la moins bonne réussite scolaire des enfants.

Parmi les élèves dont les parents sont unis au moment de l’enquête, ceux dont les parents vont se séparer dans les deux ans sont en effet aussi souvent en retard que ceux dont les parents étaient déjà séparés au moment de l’enquête. L'écart de taux avec les élèves dont les parents vont rester unis ressort là encore à 8 points.
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Graphique. Proportion d’élèves à l’âge normal, parmi les élèves de 15-20 ans vivant avec leurs deux parents au moment de l’enquête, selon que leurs parents se sont séparés ou non dans les deux ans qui ont suivi.

Lire ainsi : le taux d’élèves à l’heure est de 40 % pour les jeunes dont les parents seront restés unis, mais de 32.7 % pour ceux dont les parents se seront séparés dans l’année suivant l’enquête…

Source: Thomas Piketty, The Impact of Divorce on School Performance – Evidence from France, 1968-2002, CEPR, décembre 2003

En somme, la séparation (ou le divorce) n'est pas coupable. La réussite scolaire des enfants est plus vraisemblablement affectée par la mauvaise entente entre les parents, prélude au divorce :

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Une hypothèse non testée ici (entendue de la bouche de Marie Duru-Bellat lors d'une conférence) est que la séparation des parents s'accompagne le plus souvent d'une baisse du niveau de vie (en particulier pour la femme à qui est le plus fréquemment attribuée la garde de l'enfant) et que cette baisse du niveau de vie pourrait se répercuter sur les résultats scolaires (cf les références d'Eric Maurin au différentiel de réussite scolaire en fonction par exemple de la disponibilité d'une chambre personnelle pour travailler

Claude Bordes a dit…

Je suis d'accord avec vous. La relation statistique entre divorce et réussite scolaire peut masquer l’influence de variables socio-économiques. Il en va de même avec la relation délinquance / famille monoparentale. La monoparentalité expose à la pauvreté. Or « la pauvreté est en grande partie responsable des problèmes auxquels se trouvent confrontées les mères seules ; elle augmente pour elles les risques de problèmes liés à l’environnement (comme le fait de vivre dans un quartier dont le taux de criminalité et de violence est élevé), la difficulté de faire face quotidiennement aux tâches d’éducation de l’enfant et le fait d’être moins soutenue sur les plans émotionnel et social que les mères plus âgées ».

Osofsky, cité par Laurent Mucchielli : , état des savoirs, CESDIP 2001 : http://www.cesdip.org/IMG/pdf/EDP_no_86.pdf