L'excellente
série Breaking Bad, diffusée originalement aux Etats-Unis sur la chaîne
cablée AMC (actuellement sur Arte chez nous), vient d'arriver à son terme.
Selon The Economist, "the best show on television is also a
first-rate primer on business". De
fait, les tribulations de Walter White et de son acolyte Jesse Pinkman
pourraient valablement servir de fil rouge à un cours complet sur
l'entrepreneur, ses motivations, ses déboires, ses succès et leurs déterminants.
A
l'image de la plupart des grands innovateurs, Walter White est un outsider :
quelqu'un d'extérieur à l'activité (ici la production de méthamphétamine), mais
qui, grâce à son flair et à la compétence développée ailleurs (l'enseignement de
la chimie), a su "percevoir, interpréter et saisir une opportunité profitable en
contexte de risque" (*). Par ses innovations de procédé (installer un
laboratoire dans un camping-car, puis dans une lingerie industrielle, afin de
neutraliser les émanations suspectes et faciliter les livraisons), et ses
innovations de produit (une meth pure à 99,8 %,
immédiatement reconnaissable à sa couleur bleue), il va révolutionner le
marché à Albuquerque.
Comme
tous les grands entrepreneurs, son mobile est le profit. Les risques
sont élevés (la prison ou la mort violente guettent le plus grand nombre) mais, au vu « des gains impressionnants jetés en pâture
à une faible minorité de gagnants », Walter et ses partenaires « s’évertuent au
maximum parce qu’ils ont les yeux constamment fixés sur les gros lots »
(Schumpeter).
En l'occurrence, Walter décroche le
gros lot, sous la forme d’une rente de monopole, conférée par la
qualité incomparable de sa meth : une
pureté exceptionnelle attestée par sa couleur bleue, unique, qui lui confère un
avantage compétitif décisif. Sur un marché soumis à de fortes asymétries
d'information (les acheteurs n’ont guère confiance dans les vendeurs), c’est une
marque, un signal coûteux et honnête (car très difficile à contrefaire). En
contexte de sélection adverse, la meth bleue de Walt inspire confiance à la
clientèle, prête à payer plus cher pour un produit de qualité sûre.
La
série met aussi en lumière certains traits psychologiques des entrepreneurs
(l'ambition, l'hubris, le goût du jeu, une faible aversion au risque,
l'obsession du produit, le sacrifice de la vie privée...), et les difficultés
qui attendent les start-up quand elles cherchent à se développer : il faut
trouver des partenaires, au risque de perdre le contrôle, voire le secret de
fabrication (ici, d'autant plus problématique que le procédé n'est pas
brevetable !) ; il faut se spécialiser dans son avantage comparatif (le cœur du
métier : la fabrication de la meth), et se résoudre à externaliser la
distribution, les approvisionnements, la logistique, ..., mais cela accroît les
coûts de transaction et les risques. A cet égard, une
des clefs du succès est la capacité à bien s'entourer. Au
point de départ, Walter White, ancien prof de lycée, a su débusquer chez Jesse
Pinkman, un ancien élève décrocheur, les qualités qui feraient de lui un bon
partenaire : quelqu'un de loyal, déterminé, motivé, et capable.
Pinkman deviendra d'ailleurs aussi bon chimiste que son maître.
Pour
aller plus loin :
The “Breaking Bad” School
(Economist) :
The Best Meth Anywhere (Slate)
Toute
la série en VOSTF (5 saisons) :
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