18 avr. 2009

L'économie plébiscitée sur les campus américains

.

Dans les Collèges américains d’enseignement général (Liberal Arts Colleges), les cours d’économie politique ont la côte. De plus en plus d’étudiants de 1ère et 2ème année choisissent l’économie politique plutôt que les disciplines scientifiques (mathématiques, chimie, physique) ou les disciplines de sciences sociales et humaines (sociologie, psychologie, sciences politiques) … Dans un article du journal The Chronicle of Higher Education, le professeur David Colander nous explique pourquoi. Avec ses étudiants, il a réalisé une enquête auprès de 1 000 undergraduates ayant choisi l’Economie dans 30 Collèges américains.

Première information : contrairement à une idée reçue chez les administrateurs des collèges, seuls 19 % des étudiants citent le motif professionnel (« job training ») parmi les déterminants de leurs choix. En fait, 36 % seulement envisagent de travailler dans une entreprise. De toutes façons, les employeurs qui recrutent les diplômés des Collèges d’enseignement général ne s’attendent pas à trouver des jeunes gens formés à la gestion (il n’y a pas de cours de gestion …) ; ils attendent seulement qu'ils aient appris à réfléchir, à communiquer, à écrire, à résoudre des problèmes, et à les analyser en mobilisant au besoin les techniques quantitatives (mathématiques appliquées, statistiques, informatique appliquée)…

Deuxième information : quand on demande aux étudiants de juger du niveau de difficulté d’une discipline, on obtient le classement suivant :
.
% d’étudiant jugeant ces disciplines « difficile »

Sociologie : 3 %
Psychologie : 7 %
Science politique : 13 %
Economie : 33 %
Maths : 68 %
Chimie : 81 %
Physique : 84 %

nb : il y avait 3 réponses possibles : facile, modéré, difficile

D’un côté, les étudiants perçoivent que les cours de sciences humaines et sociales sont trop faciles. On y fait trop peu usage des techniques quantitatives, et le niveau d’exigence y est réputé trop bas (on y obtiendrait facilement de bonnes notes). Dès lors, choisir ce type d’option présente le risque de signaler à un futur employeur qu’on a choisi la facilité, et qu’on n’a pas appris grand-chose à l’université. Comme ces options sont les principales concurrentes de l’économie, cela explique en grande partie le succès de celle-ci. L’Economie est perçue par les étudiants comme une discipline plus formatrice, plus susceptible de leur apporter tout à la fois la rigueur analytique et la maîtrise des techniques quantitatives, toutes choses que les employeurs, les parents et les étudiants sont en droit d'attendre des études générales.

D’un autre côté, les sciences dures sont réputées trop difficiles. Centrées essentiellement sur la poursuite d’études en Master, et la formation de futurs scientifiques, elles ont délaissé l'aspect culture générale, la formation scientifique du citoyen. Les cours sont perçus comme très abstraits, très théoriques, et terriblement exigeants, répugnant aux étudiants qui n‘envisagent pas de poursuivre en licence et master de sciences. A l’inverse, les cours d’Economie, en appliquant les notions vues en cours au décryptage des grands problèmes de l’heure, offrent davantage d’excitation intellectuelle à ceux qui ne se destinent pas à un master d’économie.

Ni trop difficile, ni trop facile, dispensant une formation rigoureuse tout en contribuant à la culture générale du citoyen, l’Economie est the just right major, l’option idoine.

Quelques leçons à tirer pour l’enseignement de l’économie dans le lycée de demain

Il est possible que la prochaine réforme du lycée, si elle voit le jour, élargisse la palette des choix offerts aux lycéens, en offrant par exemple aux actuels élèves de S & L la possibilité de faire de l’économie. Une discipline comme les SES pourrait tirer son épingle du jeu, pour peu que ces deux conditions soient respectées :

- Pour attirer de bons élèves (*), l’enseignement de l’économie doit être plus rigoureux qu’il ne l’est aujourd’hui, plus soucieux de former à la manière de penser des (bons) économistes ; il doit aussi utiliser davantage les techniques quantitatives. Dans la mesure où, en lycée général, l'économie est associée à la sociologie, les mêmes exigences doivent s'appliquer à l'enseignement de la sociologie.

- Pour demeurer attractif, cet enseignement doit toutefois rester accessible au plus grand nombre -- ce qui suppose d’éviter la formalisation et l'excès de théorisation --, et, à partir des outils et des concepts enseignés, s'employer à décrypter les grands problèmes de notre temps.

(*) les choix des bons élèves déterminent en partie le statut d'une discipline et les choix des autres élèves. Une discipline jugée trop facile attire surtout les adeptes du moindre effort, et les malgré nous du système. La mauvaise monnaie chassant la bonne, cette discipline est bientôt désertée par les bons élèves, déconsidérée auprès des parents, des employeurs, et des écoles recrutant librement au niveau bac.

Aucun commentaire: