20 nov. 2008

La Tulipomanie hollandaise au 17ème siècle : la légende et la réalité

A chaque nouvelle crise financière, les journaux ne manquent jamais de rappeler que « la "tulipomanie" fut la première bulle spéculative économique et financière de l'histoire moderne » (Le Monde, oct. 2008). Initialement cultivée dans l’Empire Ottoman, la tulipe fut introduite en Hollande au milieu du 16ème siècle. Sa réputation grandit rapidement, tant et si bien qu’à la fin du siècle, les tulipes avaient rejoint les œuvres d’art dans les « cabinets de curiosités » des collectionneurs1. Mais, nous dit L'Encyclopedia Universalis, « la fascination des collectionneurs céda bientôt la place à des échanges purement spéculatifs. La spéculation se fixa là sur un bien étrange support, une fleur. Mais, tant que l'engouement persistait, chacun pouvait acheter un jour donné, même à un prix exorbitant et sans mesure aucune avec la valeur intrinsèque de la tulipe, en pensant pouvoir revendre à un prix encore plus démentiel le lendemain. Tant que tout le monde pensait ainsi, se berçant d'illusions, la bulle, en l'occurrence l'écart grandissant entre une valeur d'échange faramineuse et la faible valeur intrinsèque d'un bulbe de fleur, pouvait gonfler encore et encore. Sans qu'on sache l'expliquer, le retournement brutal eut lieu en 1637 : panique, ruines et faillite mirent fin au rêve hollandais, plongeant l'économie dans une récession durable »2. La grandeur et la décadence du commerce des tulipes est bien illustrée dans le tableau de Brueghel (ci-dessous), où les spéculateurs sont représentés comme des singes écervelés.
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"Une Satire de la Tulipomanie" par Jan Brueghel le Jeune, ca 1640 (Frans Hals Museum, Haarlem). Cliquez pour agrandir

Au premier plan, un singe pointe une platebande de tulipes, tandis qu’un autre brandit une tulipe et une bourse pleine d’argent. Les bulbes sont pesés, la monnaie est comptée, une vente est conclue par une poignée de mains, un dîner d’affaires est donné. Le singe sur la gauche tient une liste des variétés de tulipes avec leurs prix. Il porte l’épée, ce qui le classe dans la gent aisée. Un autre relit un contrat de vente, la chouette sur son épaule symbolise la folie. Le tableau montre aussi ce qui advient avec le krach. Un singe urine sur des tulipes désormais sans valeur. Derrière lui, un spéculateur qui n’a pas payé ses dettes est mené devant un magistrat. Assis sur le mur de droite, un singe pleure. A l’arrière plan, un acheteur mécontent joue des poings, tandis qu’à droite, un spéculateur est conduit à sa dernière demeure.

Le texte de L’Encyclopédia Universalis et le tableau de Brueghel résument assez bien la légende de la tulipomanie telle qu’elle est parvenue jusqu’à nous. La version standard de cette histoire se trouve dans l’ouvrage de Charles Mackay, Extraordinary Popular Delusions and the Madness of Crowds, paru en 1841. Curieusement, jusque récemment, personne n’avait cherché à vérifier les allégations de Mackay. Or, cet auteur s’appuie principalement sur Johann Beckmann, dont Beyträge zur Geschichte der Erfindungen (Histoire des Inventions et des Découvertes) a été traduit en anglais en 1787. De son côté, Beckmann s’appuie principalement sur Abraham Munting, un botaniste qui écrit trente à quarante ans après des faits dont il n’a pas été lui-même témoin. Les sources de Munting sont le récit du chroniqueur Lieuwe van Aitzema (1669) et le pamphlet d’Adriaen Roman, Samen-spraeck tusschen Waermondt ende Gaergoedt (Dialogue entre Waermondt et Gaergoedt), publié en pleine tulpenmania en 1637. Comme Aitzema se base lui-même sur les pamphlets qui ont circulé à l’époque, la légende dont nous avons héritée est fondée pour l’essentiel sur des textes de propagande, à forte tonalité moraliste et religieuse.3

Depuis une vingtaine d’années, des historiens et des économistes ont commencé à fouiller dans les archives. Et ce qu’ils ont trouvé infirme, pour l’essentiel, la fable que nous content sempiternellement les publicistes. La bulle des tulipes n’a pas eu lieu. Si bulle il y a eu, ce fut une bulle essentiellement médiatique.

1ère partie : Les apparences d’une bulle

« On a beaucoup écrit et on écrit encore beaucoup sur les paniques et les bulles financières... Mais une chose paraît sûre : à certains moments, une grande quantité de gens stupides disposent d'une grande quantité d'argent stupide. De nombreux épargnants n'ont d'autres facultés que celle d'épargner ; ils accumulent un capital, puis le contemplent avec satisfaction ; mais ils ne savent qu'en faire. Aristote pensait que l'argent était stérile ; et stérile, il l'est effectivement pour les dames tranquilles, les curés de village, et les avaricieux de nos campagnes. D'éminents économistes ont conçu des plans ingénieux pour prévenir d'imprudentes spéculations... mais le moyen le plus efficace serait encore d'empêcher quiconque détient 100 livres d'en user à son gré, sauf à démontrer au Chancelier de l'Échiquier qu'il peut en faire un bon usage. Sans cette élémentaire précaution, de vastes quantités d'argent continueront de se retrouver entre les mains de prêtres, de balayeurs, de grand-mères, et d'autres personnages qui, n'entendant rien à la finance, savent seulement que leur argent ne produit rien, et qu'il lui faut produire quelque chose. ... De temps à autre, l'argent accumulé par les gens de cette sorte – le capital aveugle du pays – atteint des proportions considérables et devient comme pris de folie : il cherche l'ogre qui le mangera -- c'est la pléthore ; il le trouve -- c'est la spéculation ; il est mangé -- c'est la panique. »

Walter Bagehot (1826-1877) : Essay on Edward Gibbon (1856), published in "Literary Studies", Vol. 2. Dent, London, 1911. Ma traduction.

La pléthore 4

Comme toutes les bulles, la tulipomanie survint dans un contexte général d’abondance monétaire, ou, dans les termes de Dash, "an increasingly feverish boom in the Dutch economy as a whole, which began in 1631 and 1632 and gathered pace toward the end of the decade and meant that in many cases there was more money around than ever before." Mais, à la différence avec tant d’autres épisodes de bulles, on ne saurait incriminer ici la politique monétaire des autorités. Au contraire !

Après la révolution, l’une des premières mesures qu’adopta le Gouvernement fut de décréter la liberté de battre monnaie (« the right of free coinage »), la liberté de transformer du métal en monnaie. L’Etat s’engageait à frapper n’importe quelle quantité de métal qu’on lui livrerait, et à remettre en monnaie un montant équivalent au poids de métal délivré, moyennant une commission modique couvrant juste les coûts de production. Le succès fut immédiat. Les possesseurs d’or et d’argent américains, soumis jusque là à des droits considérables de seigneuriage dans tous les pays européens, se ruèrent vers la Hollande.

La Hollande était alors le centre du commerce européen, et l’essentiel de la monnaie qui circulait à Amsterdam était constitué de pièces étrangères. Beaucoup de ces pièces, abîmées ou altérés, avaient un poids en métal inférieur à leur valeur faciale, en moyenne de 10 %. Elles n’en avaient pas moins cours légal, au même titre que les pièces neuves locales. Sitôt mises en circulation, ces dernières étaient fondues et leur métal exporté. La mauvaise monnaie chassant la bonne, seules les vieilles pièces circulaient. Pour remédier à cette situation, la Banque d’Amsterdam fut créée en 1609. Sa première mission fut de retirer de la circulation les monnaies contrefaites ou dégradées. Les pièces étaient acceptées en dépôt et chaque déposant se voyait ouvrir un compte, crédité d’un montant correspondant au poids en métal des pièces déposées. La bonne monnaie (de banque) chassa la mauvaise, et peu à peu, la monnaie en circulation retrouva une valeur exactement égale à son poids en métal.

L’effet conjoint de la création de la Banque d’Amsterdam et de la liberté de battre monnaie fut l’afflux d’or et d’argent en Hollande, en provenance des Amériques, et dans une moindre mesure du Japon. L’offre d’argent était telle que le prix de ce métal tomba en dessous du coût de production de bon nombre de mines européennes. Il en résulta une forte inflation. Selon Francis Walker, le prix du quarter de blé passa de 2 onces d’argent en 1570 à huit onces en 1640.

Le métal précieux convergeait aussi vers Amsterdam via le commerce et la piraterie maritimes. Les marchands hollandais transportaient une part importante des métaux précieux du Nouveau Monde, prélevant en moyenne 15 à 25 % de valeur de la cargaison. De son côté, la Dutch East India Company avait le monopole du commerce avec le Japon ; à l’occasion, elle "soulageait" aussi les navires portugais de leur butin asiatique. Enfin, les corsaires hollandais pillaient les navires espagnols, comme en 1628, quand le corsaire Piet Heyn s'empara d'un trésor de 12 à 15 millions de florins, essentiellement en argent.

Par suite de cet afflux de métaux précieux, l’offre de monnaie explosa en Hollande, atteignant son maximum en 1636, l’année de la tulipomanie. La production monétaire en Hollande du Sud augmenta ainsi de 150 % entre 1630-32 et 1636-38, et les réserves en métal de la Banque d’Amsterdam augmentèrent de 42 % entre le 31 janvier 1636 et le 31 janvier 1637.

L’abondance monétaire créa les conditions favorables à la spéculation.

La spéculation

« La spéculation, écrit J. K. Galbraith, survient lorsque l'imagination populaire se fixe sur quelque chose d'apparemment nouveau dans le domaine du commerce ou de la finance. La tulipe, belle, de couleurs variées, fut l'un des premiers supports qui servit à cet usage. (…) Toute l'attention se concentra sur la possession et l'exhibition des variétés les plus ésotériques. Et, si l'on aimait beaucoup les plus exceptionnelles de ces fleurs, on aima vite encore plus la hausse de prix que leur beauté et leur rareté imposaient. C'est pour cette hausse qu'on achetait à présent les bulbes et, vers le milieu des années 1630, elle semblait ne devoir connaître aucune limite. Le rush pour investir engloutit la Hollande tout entière. Aucun individu doué d'un minimum d'ouverture d'esprit ne jugea pouvoir se permettre de rester hors course. Les prix étaient extravagants; en 1636, un bulbe jusque-là « sans valeur intrinsèque » pouvait s'échanger contre « un carrosse neuf, deux chevaux gris et leurs harnais » 5.

Pour preuve de cette extravagance, Galbraith rapporte une invraisemblable anecdote, issue là encore de Mackay, qui la tenait lui-même des Voyages de Blainville. Un marin anglais s’en revenait d’un long voyage. Chargé d’annoncer l’arrivée du bateau et de sa cargaison, il reçut d’un riche marchand un hareng rouge en guise de pourboire. Un oignon trônait sur le comptoir, le marin s’en empara et, sans plus de façons, s’en alla sur le port déguster son hareng et son oignon. Las ! sitôt le marin reparti, le marchand déplorait le vol d’un bulbe de Semper Augustus, qui valait à ce moment dans les 3 000 florins -- de quoi régaler un équipage entier pendant toute une année ! Si l’on en croit Mackay, l’infortuné marin paya d’une peine de prison sa passion pour les oignons.

Pour rendre compte de la fièvre spéculative qui s’était emparée des Hollandais, Galbraith cite ensuite cet autre passage de Mackay: « Au début, comme dans toutes ces folies du jeu, la confiance était au plus haut, et tout le monde gagnait. (…) Beaucoup d'individus devinrent soudainement riches. Un appât en or massif pendait, alléchant, devant le nez des gens et, l'un après l'autre, ils se ruèrent sur les marchés aux tulipes comme des mouches sur un pot de miel. Tout le monde s'imaginait que la passion des tulipes durerait toujours, que les riches de tous les coins du monde enverraient leurs gens en Hollande et paieraient quelque prix qu'on puisse en demander. Toute la fortune de l'Europe viendrait se concentrer sur les rives du Zuiderzee, et la pauvreté serait bannie de l'heureux ciel de Hollande. Nobles, bourgeois, paysans, mécaniciens, marins, valets de pied, femmes de chambre, même les ramoneurs et les vieilles fripières boursicotaient dans la tulipe. Des personnes de tout rang convertissaient leurs biens en argent liquide qu'ils investissaient dans les fleurs. » 6

Une allégorie de la tulipomanie par Hendrik Gerritsz Pot, vers 1640. Flora, la déesse des Fleurs, est poussée par les vents dans un chariot où l’on trouve pêle-mêle un ivrogne, des changeurs de monnaie, et une femme à deux visages. Ils sont suivis par la foule bigarrée et dissolue des tisserands de Haarlem. Tous cheminent vers leur fin.

Pour les détracteurs de la théorie des marchés efficients, la tulipomanie démontre, s’il en était besoin, que les marchés peuvent produire d’énormes bulles spéculatives. Quand des spéculateurs jettent leur dévolu sur un actif, son prix s’élève ; ses détenteurs peuvent alors réaliser de confortables plus-values. L’envie, la démonstration qu’il est possible de s’enrichir sans effort, les encouragements que prodiguent les nouveaux riches à leur entourage suffisent à lever progressivement les dernières réticences des sceptiques, provoquant à chaque fois un nouveau tour de hausse des prix. Pendant tout ce temps, l’optimisme est de rigueur, les théories en vogue évoquent une nouvelle ère, justifient la hausse des prix, et prédisent sa poursuite 9.

Selon Robert Shiller, on trouve une parfaite illustration de ces comportements dans les Dialogues de Gaergoedt & Waermondt, un pamphlet publié au lendemain de la tulipomanie:

Waermondt (Celui qui dit vrai): Ce que vous me proposez est très tentant mais je ne sais si je dois accepter. Je crains qu’ayant commencé, je ne sache m’arrêter à temps. Comme une vague chasse l’autre, une transaction en amène une autre, et ainsi de suite. Il vaut mieux, me dis-je, me contenter de mon modeste atelier et de m'en tenir à mon métier. Je ne fais pas de grands profits mais ne souffre aucune perte.

Gaergoedt (Celui qui est avide de biens): Tout cela est bien dit. Mais ne pourriez-vous risquer un petit peu ? Vous ne payez rien avant l’été et, à ce moment, vous aurez déjà revendu vos tulipes. Si ce n’est pas le cas, vous les mettez en terre et ça vous rapporte encore plus.

Waermondt: C’est très bien pour ceux qui ont beaucoup d’argent devant eux, mais pour moi, je ne trouve pas que ce soit sage. Car si j’avais un peu d’argent à gauche, je le réinvestirai dans mon affaire.

Gaergoedt: Et ça vous rapporterait au mieux du 10 %. Tandis qu’avec les tulipes, vous pouvez obtenir un rendement de 10 %, 100 %, oui, et même 1000 %.

Waermondt: A quoi bon avoir travaillé si dur ? A quoi bon les sacrifices de nos parents ? A quoi bon apprendre à nos enfants un métier ? Qu’a-t-on besoin de marchands aussi entreprenants, prêts à risquer leurs avoirs outremer, de paysans qui sèment et peinent sur la terre ? de marins qui sillonnent les mers dangereuses ? et de soldats prêts à risquer leur vie pour pas grand-chose, si l'on peut gagner tant d’argent de la sorte ? 7

Finalement, les arguments de Gaergoedt parviennent à semer le doute dans l’esprit de Waermont :

Waermondt: ...Mais, dites-moi, dois-je vous croire?

Gaergoedt: Je vous le répète, c’est exactement comme je vous ai dit.

Waermondt: Mais j’ai peur qu’il ne soit trop tard. Maintenant les tulipes sont très chères et je crains de me brûler les doigts avant de déguster le rôti.

Gaergoedt: Il n’est jamais trop tard pour faire un profit. Surtout quand on peut gagner de l’argent en dormant. J’ai été absent quatre à cinq jours et, à mon retour, je découvre que les tulipes ont gagné 3 à 4 mille guilders. Dans quelle autre activité pouvez-vous envisager des profits pareils ?

Waermondt: Je suis perplexe quand je vous entend parler comme ça. Je ne sais que faire ; des gens sont-ils devenus riches de la sorte ?

Gaergoedt: Quelle question est-ce là ? Voyez ces jardiniers qui portaient autrefois de vieilles hardes, et qui vont aujourd’hui parés de neuf. Voyez ces tisserands qui portaient auparavant des vêtements tout reprisés, et qui sont aujourd’hui vêtus à la dernière mode. Oui, et beaucoup de ceux qui ont fait commerce des tulipes ont aujourd’hui un attelage et même un attelage d’hiver !8

Evidemment, les arbres ne montent jamais jusqu’au ciel. La fin survint en février 1637.

La panique

La hausse des prix cessa quand certains acteurs, ne croyant plus à la poursuite de la hausse, liquidèrent leur position. Ce fut le signal de départ pour un mouvement général de vente. La spéculation céda la place à la panique. Tous voulaient vendre, mais il n'y avait personne pour acheter. Les prix s’effondrèrent, ajoutant à la panique…

Ecoutons le récit de Mackay : “les plus sages finirent par comprendre que cette folie ne pourrait pas durer éternellement. Les gens riches n’achetaient plus les fleurs pour en orner leurs jardins, mais pour les revendre avec une plus-value de 100 %. On réalisa que certains allaient perdre énormément à la fin. Comme cette conviction se répandait, les prix se mirent à chuter, et jamais ne remontèrent. La confiance fut détruite, et une panique générale s’empara des acteurs. A avait convenu avec B de lui acheter dix Semper Augustus, à 4 000 fl. l’unité, et de payer à la livraison. Dix semaines plus tard, B était prêt à livrer mais les prix étaient tombés à 400 fl., et A refusait de payer le prix convenu. Les défauts de paiement se multiplièrent dans toutes les villes de Hollande. Par centaines, ceux qui, il y a quelques mois encore, doutaient qu’il puisse exister quelque chose comme la pauvreté dans ce pays, se retrouvèrent brutalement propriétaires de bulbes dont personne ne voulait, même pour le quart du prix auquel ils les avaient payées. Partout, résonnait le cri de la détresse, et chacun accusait son voisin. Les rares individus qui avaient réussi à tirer leur épingle du jeu se débrouillèrent pour ne pas le faire savoir, et investirent leurs avoirs en Angleterre. Tous ceux qui, le temps d’une saison, avaient émergé des plus humbles ruelles furent renvoyés à leur obscurité originelle. Des marchands opulents furent réduits à une quasi-mendicité, et plus d'un représentant d'une noble lignée vit les destinées de sa maison irrémédiablement ruinées » (ma traduction).

Gaergoedt, qui avait hypothéqué sa maison, se lamente : « ce fut une folie ». Las ! déplore Galbraith, les spéculateurs « ne restèrent pas seuls dans leur malheur. L'effondrement du prix des tulipes et l'appauvrissement qui en résulta eurent un effet réfrigérant sur la vie économique hollandaise dans les années qui suivirent. Ils provoquèrent une très sérieuse récession. » Selon l’économiste Burton Malkiel, “le chapitre final de cette étonnante histoire fut que le choc provoqué par le boom puis le krach entraîna l’économie hollandaise dans une dépression prolongée. Personne ne fut épargné.”10


2ème partie : La réalité : la bulle des tulipes n’a pas eu lieu

Il est vrai qu’au cours de l’hiver 1637, les prix des tulipes se sont envolés. Le 3 février 1937, les prix étaient en moyenne vingt fois supérieurs à ce qu’ils étaient il y a seulement trois mois.
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Source : Earl Thompson. Il s’agit d’un indice composite élaboré à partir de listes de prix documentés et attestés, avec une pondération tenant compte du poids et de la qualité des bulbes. Cliquez pour agrandir.

Le catalogue de P. Cos, un fleuriste de Haarlem, recense le nom et le prix des bulbes sur le marché en janvier 1637. La plus chère était la Vice-Roi, une tulipe pourpre vendue 3 000 florins et même 4 200 florins -- un gros bulbe. Le prix le plus élevé, attesté dans les contrats notariés, fut atteint à Alkmaar, le 5 Février 1637, par le bulbe d’une tulipe pourpre, l’Admirael van Enkhuizen (avec un petit oignon), vendu pour la coquette somme de 5 200 fl. Pour donner un ordre de grandeur, 1 000 florins pouvaient alors acheter 25 000 livres de pain de seigle ou une petite maison à Haarlem ; un marchand aisé pouvait gagner 1 500 à 3 000 fl par an, un maître charpentier environ 300 fl., et le professeur Clusius, de l’Université de Leiden, percevait un traitement de 750 fl par an 11.

Pourtant, si considérables soient-ils, ces prix n’avaient rien d’irrationnel. D’une part, les mouvements de prix observés à l’époque correspondaient assez bien au standard observé sur ce type de marché et s’expliquaient en bonne partie par les fondamentaux – i.e. les déterminants proprement économiques de la valeur des actifs. D’autre part, les prix cités ne correspondaient pas aux prix effectifs mais à des options d’achat sur un marché à terme. Moyennant quoi, quand la « bulle » éclata, personne ne fut ruiné, et l’économie ne fut guère affectée.

¤ La dynamique des prix observée sur le marché des tulipes au cours des années 1636-37 s’explique en bonne partie par les fondamentaux.

Pour les économistes, « les bulles surviennent quand les prix des actifs excèdent leur valeur fondamentale ; c’est notamment ce qui se passe quand les investisseurs demandent un actif parce qu’ils croient pouvoir le revendre plus cher encore demain, lors même que son prix excède sa valeur fondamentale » 12. Kindleberger, Brunnermeier, Schiller citent la Tulipomania comme un exemple célèbre de bulle. Mais c’est aller un peu vite en besogne. A y regarder de plus près, les prix des tulipes n’étaient pas aussi déconnectés des fondamentaux qu’il y paraît. Fondamentalement, les prix des tulipes dépendaient de leur rareté et de leur beauté. Or, « la rareté, la beauté et le profit vont ensemble, écrit Anne Goldgar. Ce qui est rare est beau, et ce qui est beau est profitable »13.

Le succès des tulipes tenait d’abord à leur fascinante beauté. En 1669, le français Nicolas de Valnay mettait au défi l’Académie de Peinture de concevoir des fleurs plus belles, ou simplement de rendre leurs couleurs14. Daniel Seghers lui-même, célèbre pour avoir peint des roses plus belles que nature, déposa ses pinceaux devant une tulipe Agathe Hanmer : "But falling short of his desire,/He left his Pencil to admire."15

Bien évidemment, les tulipes les plus rares étaient les plus prisées. "In this country, peut-on lire dans le Dodonaeus de 1628, men love most the flamed, winged, speckled, jagged, or snipped and the most strongly variegated: and they will pay the most, not for the most beautiful or the finest, but for the rarest to be found, or those owned by only one master; these can fetch high prices."16 De telles tulipes constituaient des biens positionnels, dont le déploiement ostentatoire attestait du rang social du maître des lieux. En 1594, le professeur Clusius, grand collectionneur de tulipes, déplorait cette situation : "rich people will sometimes give out handfuls of money to buy some plant or other which is sought because of its rarity, so that they can preen themselves in front of their friends because they own it."17

C’était notamment le cas de la « Semper Augustus » (ci-contre). Avec ses flammes rouges sang sur fond blanc, la Semper Augustus était une tulipe extraordinaire, célébrée pour sa beauté et sa rareté. En 1623, une bulbe se vendit 1 000 florins. L’année suivante, une douzaine de spécimens étaient répertoriés, tous en possession du même individu. En 1625, des offres à 2 000 puis 3 000 florins furent faites, mais le propriétaire ne voulait pas se dessaisir du moindre spécimen, ce qui aurait eu pour effet d’augmenter à terme l’offre de cette remarquable fleur18. Il fallut attendre 1633, si l’on en croit les chroniqueurs, pour qu’enfin une Semper Augustus fut vendue, au prix de 5 500 florins ; en 1637, juste avant le crash, un prix de 10 000 florins aurait été demandé, soit la valeur d’un hôtel particulier sur le canal le plus chic d’Amsterdam 19.

On comprend que les planteurs aient rivalisé d’ardeur pour développer sans cesse de nouvelles variétés de Rosen (rouges ou roses sur fond blanc), de Violetten (pourpres sur fond blanc), et de Bizarden (rouge, pourpres, sur fond jaune), qu’ils affublaient de noms majestueux, comme Admirael ou Generael -- suivis du nom du planteur : eg, Admirael van der Eijck. 20

Lorsqu’une nouvelle variété est mise sur le marché, son prix peut atteindre des niveaux très élevés. Avec le temps, les bulbes se propagent, la variété devient de plus en plus commune, et les prix baissent jusqu’au point où ils couvrent tout juste les coûts de production. Entretemps, une nouvelle variété a pris sa place. C’est ce qui explique les changements permanents dans la demande et le prix des tulipes. Peter Garber a comparé l’évolution du prix de quelques spécimens depuis le 5 février 1637 avec d’autres spécimens de tulipes au 18ème siècle :
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Source : Peter M. Garber, Famous first bubbles, Journal of Economic Perspectives, Spring 1990

Au 18ème siècle, la tulipe, banalisée, fut détrônée par la jacinthe. Mais, ici encore, la beauté et la rareté justifient les prix. Comme l’expliquait, en 1752, l’héritier d’une grande dynastie de planteurs de Haarlem : « Is not a unique Hyacinth, which twenty or thirty people have been trying in vain to cultivate, a wonderful thing? Should not he who possesses it be pleased with himself? Is it not very satisfying to be able to say: there are several people in my town who have magnificent Diamonds, but no one in the world who has a flower as beautiful as mine? Does not such a Flower have a real value? Is one not obliged to make more of it than of a thousand other Flowers? Could one be such an idiot as to offer it for nothing? ... Why should one make a fuss if it is sold for a thousand Florins?21

Ceci dit, le motif artistique et le motif ostentatoire n’excluaient pas le motif commercial. Le fait que les bulbes puissent être vendues à terme, ou que s’échangent de simples promesses de vente, atteste la présence d’une réelle spéculation. Les fondamentaux ne sauraient justifier que même des tulipes relativement communes aient vu leur prix augmenter en moins de trois mois de 1 900 %, et ils expliquent moins encore l’effondrement général des prix entre février et mai.

¤ Earl Thompson a étudié de plus près ces mouvements de prix, et sa conclusion est qu’ils constituent pour l’essentiel un artefact.

Le 24 février 1637, l’organisation des fleuristes et des planteurs annonçait que tous les contrats à terme passés après le 30 novembre 1636 constituaient de simples options d’achat. Dans le cas où l’acheteur n’exercerait pas son option, il devrait toutefois payer au vendeur un pourcentage du prix contractuel. Après quelques mois de négociations difficiles entre représentants des vendeurs et des acheteurs, le parlement de Haarlem établira ce taux à 3,5 % du prix contractuel.

Ces décisions politiques avaient été largement anticipées par le marché. Un contrat de la fin décembre 1636, portant sur la vente d’un lot de tulipes d’une valeur de 7 000 florins, prévoyait explicitement que, dans l’hypothèse où les autorités convertiraient les contrats à terme en options d’achat, l’acheteur devrait payer au vendeur, Henricus Munting, 10 % du prix contractuel s’il renonçait à son achat.

En fait, c'est dès novembre, donc avant l’envolée des prix, que le marché avait anticipé la décision des autorités de convertir les contrats à terme en options d’achat. Pour le comprendre, il faut s'intéresser au krach de la fin octobre 1636, beaucoup moins connu que celui de février 37.

Depuis 1632-1633, les prix des tulipes étaient orientés à la hausse. Les armées suédoises avaient été défaites par les troupes allemandes, et la Guerre de Trente ans paraissait tirer à sa fin. Les révoltes paysannes du Nord de l’Allemagne semblaient également marquer le pas, après la mort de Johan Tilly, le chef des rebelles, en 1632. Dans ces conditions, le marché allemand s’ouvrait de nouveau aux planteurs hollandais. Les princes allemands étaient en effet très friands de tulipes, dont ils ornaient les abords de leurs châteaux. Les prix des tulipes augmentèrent fortement jusqu’en octobre 1636. Ce mois-là, de manière inattendue, les suédois prirent leur revanche, avec l’appui des français. Les armées allemandes furent battues à la bataille de Wittstock, et les troupes suédoises portèrent la désolation en Thuringe, puis dans tout l’ouest de l’Allemagne, le principal débouché des exportateurs de tulipes. Les révoltes paysannes reprirent de plus belle, et, avec elles, les dévastations des platebandes ornementales de tulipes. Ici encore, les fondamentaux expliquent bien l’évolution des prix des tulipes.

Pour les acheteurs, dont bon nombre de bourgeois influents et de personnalités officielles, le krach de novembre était une catastrophe. Ils se retrouvaient avec des promesses de vente pour des bulbes encore en terre dont la valeur actuelle représentait à peine 15 % du prix contractuel. Officiels et bourgeois se liguèrent pour que l’on discute du problème. L’idée d’une conversion des contrats en option d’achat s’imposa d’elle-même. Après tout, les planteurs, qui avaient déjà gagné beaucoup d’argent, ne perdraient rien – si ce n’est quelques illusions.

Dans le courant du mois de novembre, l’écho des délibérations officielles se répandit dans le public, et les prix repartirent à la hausse. Il devenait clair que les prix négociés étaient désormais de simples options d’achat. Si, en mai/juin, au moment de la livraison, les prix du marché se révélaient inférieurs au prix d’exercice de l’option, l’acheteur renoncerait simplement à son achat, auquel cas le seul coût supporté par l’acheteur serait le paiement d’un petit pourcentage du prix contractuel. Les planteurs, qui n’étaient pas sans influence, firent savoir qu’ils acceptaient la conversion des contrats sous deux conditions : que le dédommagement soit porté à 10 % du prix contractuel et que la conversion ne vaille que pour les contrats passés après le 30 novembre. Ils n’obtinrent pas satisfaction sur la première exigence mais furent suivis sur la seconde. La date du 30 novembre avantageait en effet, outre les planteurs, tous les spéculateurs qui avaient revendus leurs promesses de vente avant le 30 novembre, et parmi eux de nombreux officiels qui, mieux informés que le public, purent de la sorte éponger leurs pertes.

A partir de là, la dérive des prix se comprend mieux. Supposons que les prix du marché spot s’établissent à 100 florins en juin et que les contrats à terme prévoient un dédommagement de 5 % du prix contractuel (dont la moitié payé d’avance, i.e. le "prix du vin"), les options sur le marché à terme peuvent monter jusqu’à 2 000 florins. Auquel cas, on observe bien une multiplication par 20 des prix, mais la bulle, purement nominale, ne produit guère de conséquences.

Finalement, les seules victimes de la tulipomanie furent les infortunés acheteurs de la fin novembre 1636, dont les contrats, contrairement à ce qu’ils avaient anticipé, ne furent pas convertis. Dans la mesure où les prix de mai 1637 représentaient environ 10 % du point haut de novembre 1636, cela représentait une moins value de près de 90 % !

¤ La tulipomanie n’a eu ni l’ampleur ni les conséquences que lui prête la légende.

Tout d’abord, l’idée que l’ensemble de la société hollandaise était impliquée dans la spéculation est un mythe. Pour s’en tenir à Haarlem, le centre du commerce des tulipes, Anne Goldgar a dénombré en tout et pour tout 285 personnes impliquées dans les ventes et les achats de tulipes -- à comparer avec une population de 42 000 habitants22. Ces individus étaient généralement en étroites relations les uns avec les autres. Ils partageaient les mêmes passions, les mêmes professions, ou, comme les Mennonites, les mêmes réseaux religieux. On ne trouve pas trace de tisserands ni de boutiquiers de modeste condition dans les archives, seulement de gros commerçants et de gros artisans. Waermondt et Gaergoedt eux-mêmes sont deux prospères maîtres artisans, employant de nombreux salariés, pas de pauvres travailleurs à la pièce. Lorsque Mackay et ses épigones écrivent que tout le pays fut gagné par la fièvre des tulipes -- "la rage pour les posséder gagna les classes moyennes, et l’on vit des marchands et des boutiquiers, même de condition modeste, rivaliser pour la possession de certains spécimens rares, et payer des prix extravagants pour cela 23" --, il s’agit donc d’une grossière exagération.

Ensuite, personne ne fut ruiné. Contrairement aux assertions de Mackay, aucun riche marchand ne fut réduit à la mendicité. Les individus prêts à payer 1 000 florins, voire 5 200 florins pour une Admirael van Enkhuizen, pouvaient se le permettre. Parmi les 37 personnes dont Anne Goldgar a relevé les noms dans des transactions d’un montant supérieur à 400 florins, tous ou presque étaient de riches marchands – eg, le brasseur Abraham van Meeckeren ou le marchand Bartholomeus van Gennep. En regard de leur fortune, ces gens pouvaient se permettre de perdre quelques centaines ou quelques milliers de florins. Surtout, personne ne fut ruiné parce que les acheteurs n’ont tout simplement pas honoré leur contrat.

Anne Golgar donne l’exemple d’une transaction scellée le 6 février 1637 au soir, dans la taverne du Menniste Bruyloft, à Amsterdam. Andries de Busscher, un tonnelier de Haarlem, vendit une livre de Switser (une tulipe zébrée rouge et jaune). De Busscher, 31 ans, issu d’une grande famille de collectionneurs d’art, était lui-même un fin connaisseur de tulipes – à l’époque, un spécimen portait son nom. Un dénommé Joost van Cuyck, 29 ans, se porta acquéreur pour la somme de 1 100 florins. Comme c’était l’usage, le paiement aurait lieu à la livraison. En cette période, les bulbes étaient encore en terre, et ne seraient livrées qu’en juin 24. Le lendemain matin, quand De Busscher voulut finaliser la transaction, il apparut que Van Cuyck avait changé d’avis. Son beau-frère, Alister van de Cruijs, avait accepté, à la demande du vendeur, de se porter caution pour la somme de 1 200 florins, mais Van Cuyck fit valoir que c’était à lui de trouver un avaliste, et que, de toutes façons, il avait besoin de réfléchir. Van Cuyck avait pourtant donné sa parole, serré les mains du vendeur et des témoins, et payé le vin. L’accomplissement de ces rituels valait promesse d’achat, ce qui autorisa De Busscher à faire certifier la transaction en bonne et due forme, devant notaire et en présence des témoins.

Si Van Cuyck avait changé d’avis, c'est que le marché venait de se retourner brutalement. Le 3 février à Haarlem, une vente n’avait pas donné les résultats escomptés, le doute s’était installé et avait, de proche en proche, gagné les autres places. Le 7 février, les bloemisten d’Utrecht dépêchaient leurs délégués à Amsterdam pour faire le point de la situation. Dans ces conditions, Joost van Cuyck n’avait plus l’intention de payer 1 100 florins pour des bulbes qui en vaudraient probablement beaucoup moins au moment du paiement.

Dans une petite communauté commerçante, dotée d’un haut niveau de capital social, un comportement comme celui de Van Cuyck ne pouvait manquer de jeter le trouble. La tulipomanie avait inauguré un conflit généralisé entre des vendeurs qui voulaient être payés et des acheteurs qui refusaient de payer. En Juin, quand les bulbes devaient être livrées, les acheteurs ne se présentèrent pas. En Septembre, quand les bulbes devaient retourner à la terre, les acheteurs refusèrent à nouveau de payer. A chaque fois, les avoués, dépêchés par les vendeurs mécontents, se heurtaient à la même réponse : « Je fais comme les autres ».

Finalement, la tulipomanie ne déboucha pas sur une crise économique mais sur une crise culturelle. Elle avait affecté le contrat social de la communauté, la réputation, l’honneur et le crédit de ses membres les plus éminents. Quand le marché était haussier, les vendeurs manquèrent à leur parole, préférant livrer leurs bulbes à des acheteurs mieux-disants. Quand le marché se retourna, ce furent les acheteurs qui refusèrent d’honorer leurs engagements. Il faudra beaucoup de temps pour restaurer le capital social de la société hollandaise.

Bibliographie

Brunnermeier Markus K. : Bubbles - The New Palgrave Dictionary of Economics, 2008
Encyclopedia Romana : articles Semper Augustus & Tulipomania (Univ. de Chicago)
French, Doug (2006) : "The Dutch monetary environment during tulipomania", The Quarterly Journal of Austrian Economics 9(1): 3–14
Galbraith J. K. : Brève histoire de l'euphorie financière - Chap 3 : La tulipomanie, Seuil 1992
Garber Peter M. : Famous first bubbles, Journal of Economic Perspectives, Spring 1990
Goldgar Anne : Tulipmania: as overblown crisis? History Today, June 2007
Goldgar Anne : Tulipmania: Money, Honor, and Knowledge in the Dutch Golden Age. Univ. of Chicago Press, 2007. Introduction.
Goldgar Anne : Nature as Art: The Case of the Tulip, in Pamela Smith and Paula Findlen, eds., Merchants and Marvels: Commerce, Science, and Art in Early Modern Europe (Routledge, 2001).
Mackay Charles : Extraordinary Popular Delusions and the Madness of Crowds, chap. Tulipmania, 1841
Shiller Robert : From Efficient Markets to Behavioral Finance, Journal of Economic Perspectives (2003), 17(1)
Thompson Earl A. : The tulipmania, Fact or Artifact ? Public Choice, 2007

Notes

1 qu’il s’agisse de tulipes ou d’œuvres d’art, les mêmes noms reviennent dans les actes notariés des ventes aux enchères d’Amsterdam -- eg, les marchands Abraham de Casteleyn, Lambert Massa, Adam Bessels, Jacob Abrahamsz van Halmael, and Jan Hendricksz Admirael. Anne Goldgar, Nature as Art: The Case of the Tulip.
2 Encyclopedia Universalis, art. Tulipomanie
3 Anne Goldgar, Tulipmania: Money, Honor, and Knowledge in the Dutch Golden Age.
4 Ce chapitre résume l’article de Douglas French, (2006).
5 J. K. Galbraith, Seuil 1992 - Brève histoire de l'euphorie financière. A aucun moment, cet auteur ne se préoccupe de vérifier ses sources, en l’occurrence le texte de Charles Mackay, qu’il cite abondamment.
6 Charles Mackay
7 Dialogue between Waermondt and Gaergoedt on the Rise and Decline of Flora (1637), traduit par N. W. Posthumus, in "The Tulip Mania in Holland in the Years 1636 and 1637" (1929), Journal of Economic and Business History, 1, 434-466. Ma traduction.
8 Cité par Robert Shiller. Ma traduction.
9 tout au long de la montée des prix des valeurs internet, entre 1989 et 2000, l’indice de confiance de la bourse était orienté à la hausse -- http://icf.som.yale.edu/confidence.index. Les investisseurs étaient chaque année plus nombreux à penser que les cours allaient continuer à monter. Cf. Robert Shiller, op. cit.
10 dans son ouvrage “A Random Walk Down Wall Street” (1973), cité par Anne Goldgar.
11 Article Tulipomania de l'Encyclopedia Romana
12 Markus K. Brunnermeier, The New Palgrave Dictionary of Economics, 2008. Cf. aussi Joseph E. Stiglitz : « une bulle existe quand les prix élevés d’aujourd’hui sont principalement justifiés par la croyance des investisseurs qu’ils seront plus élevés demain, lors même que les fondamentaux ne justifient pas leurs anticipations », Journal of Economic Perspectives, 1990, 4 (2).
13 Nature as Art: The Case of the Tulip, op. cit.
14 Connoissance et culture parfaite des tulippes rares, des anemones extraordinaires, des oeillets fins, et des belles oreilles d'ours panachées (1669). Cité par Anne Goldgar, op. cit.
15 si l’on en croit le planteur John Rea, Flora, seu, De Florum Cultura (1665), ibid.
16 In Dodonaeus, Cruydt-Boeck (1618), ibid.
17 Clusius to Lipsius, Oct. 22, 1594, ibid.
18 Comme toutes les variétés les plus recherchées, la Semper Augustus devait son originalité à un virus qui infectait les tulipes -- la mosaïque. Mais, les graines étant saines, ses caractéristiques ne pouvaient se reproduire en les semant. Sa multiplication ne pouvait se faire qu’à partir d’un bulbe, ce qui prend ordinairement des années : un bulbe donne naissance à un à deux oignons par an, lesquels ne donnent des fleurs qu’au bout de trois à quatre ans.
19 Article Semper Augustus de l'Encyclopedia Romana (Univ. de Chicago)
20 On sait aujourd’hui obtenir de nouvelles variétés en croisant des spécimens ou en contaminant les fleurs par la mosaïque. Mais ces procédés n’étaient pas connus à l’époque, aussi les mutations espérées survenaient-elles par accident, cependant que les jardiniers s’efforçaient d’obtenir de nouvelles variétés en sélectionnant les semences, en associant des variétés locales et des variétés exotiques.
21George Voorhelm, Traité sur la Jacinte. (1752), pp. 21-2. Cité par Anne Goldgar, op. cit.
22 Tulipmania: as overblown crisis? By Anne Goldgar - History Today June, 2007
23 Charles Mackay, op. cit.
24 pour désigner les échanges de promesses de ventes à terme sur les tulipes, les Hollandais avaient un mot : windhandel (littéralement, "commerce du vent").

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