24 oct. 2008

Le divorce en Corée du Sud

Le texte ci-après est (librement) traduit d'un article de Norimitsu Onishi, paru dans le New York Times du 21 sept. 2003.
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Il y a seulement dix ans, Sunoo, l’une des principales agences matrimoniales en Corée du Sud, n’avait pas de clients divorcés. C’est qu’à l’époque les coréens divorçaient peu, et les préjugés sociaux contraignaient les divorcés à se résigner à une vie solitaire. Aujourd’hui, ces derniers représentent près de 15% de la clientèle.

Les attitudes concernant le divorce – mais aussi le mariage, l’éducation des enfants, l’union libre – révèlent une société coréenne en pleine transformation sociale. Ancrée aux valeurs familiales et patriarcales du Confucianisme, la Corée du Sud devient rapidement une société ouverte, occidentalisée. Des changements sociaux, qui ont pris des décennies en Occident ou au Japon, interviennent ici en quelques années. Le taux de divortialité a ainsi progressé de 250 % ces dix dernières années, en ligne avec le statut social des femmes. Il se situe actuellement à 2,8 pour mille habitants, soit au dessus du taux prévalent dans l’Union Européenne (1,8) ou au Japon (2,3) -- mais au-dessous du taux américain (4). De même, le taux de nuptialité est en baisse, et le taux de fécondité est tombé à 1,17 enfant par femme -- plus bas encore qu’au Japon (1,32).

Graphique généré à partir des données de l’Office Coréen des Statistiques (interface anglais)

La télévision populaire est inondée de programmes briseurs de tabous, comme « La femme d’à côté », l’équivalent coréen de "Sex and the City", qui s’intéresse aux démêlés conjugaux et extraconjugaux de trois femmes dans la trentaine. La série décrit un univers radicalement différent de l’époque où les hommes pouvaient s’autoriser des aventures, tandis que leurs femmes subissaient en silence. La série "Love and War", qui débuta il y a quatre ans et qui figure toujours dans le Top 10 des programmes les plus regardés, a été la première à s’intéresser au problème du divorce. Chaque épisode met en scène les déboires conjugaux d’un couple réel (interprété par des acteurs professionnels). A la fin de l’émission, les téléspectateurs votent pour dire si le couple doit ou non divorcer. Ils votent “pour” dans 80 % des cas.

Le divorce, jusque là quasi-inexistant, est apparu en nombre significatif dans les années 70, avec l’urbanisation rapide de la Corée. Loin du village, les couples ne ressentent plus la pression des familles pour rester ensemble coûte que coûte. Au fil des années, les lois sur le divorce sont devenues plus favorables aux femmes. Surtout, celles-ci sont devenues plus instruites et ont pu accéder aux emplois salariés créés par le boom économique. Ces femmes estiment qu’elles ont elles-aussi droit au bonheur.

La plupart du temps, le divorce est demandé par les femmes, le conflit de personnalité étant le motif le plus fréquemment invoqué. Après un Master aux Etats-Unis, l’ingénieur Lee Ji Yong, 38 ans, a épousé une hôtesse de l’air de Northwest Airlines. Après la naissance de leurs deux filles, Mme Lee a souhaité reprendre le travail. « Dès le départ, ce fut un problème, explique Mr. Lee. Quand je revenais du boulot, j’aurais voulu qu’elle soit là, à la maison, avec son tablier, en train de me préparer un bon repas. Mais, pour elle, sa carrière était plus importante ». Sa femme demanda le divorce, et, après avoir consulté ses parents, Mr. Lee accepta. Inscrit peu après à l’agence Sunoo -- « section des remariages » --, il est à présent fiancé à une femme elle-même divorcée.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Quel plaisir de vous lire...continuez.

G.