Extraits et résumé de l'ouvrage « DÉFECTION ET PRISE DE PAROLE », d' Albert O. HIRSHMAN (1970)
La détérioration des performances d’une entreprise, d’une organisation, se manifeste en règle générale par une détérioration relative ou absolue de la qualité du bien produit ou du service fourni. Clients, usagers ou adhérents peuvent réagir de deux manières :
1. Certains clients cessent d’acheter l’article produit par la firme (ou certains membres de l’organisation cessent de lui appartenir) : c’est la voie de la défection.
2. Ils expriment leur mécontentement en s’adressant soit à la direction, soit à une autorité qui a prise sur la direction, soit encore à qui veut bien les entendre : c’est la voie de la prise de parole.
LA DÉFECTION (EXIT)
Beaucoup d’économistes considèrent la défection comme la seule action efficace du consommateur : ils estiment qu’en infligeant une perte de revenu aux chefs d’entreprise défaillants, elle causera cette « merveilleuse concentration de l’esprit » à laquelle conduit, selon Samuel Johnson, la perspective de la pendaison.
Le consommateur qui, mécontent du produit d’une firme, se tourne vers le produit d’une autre utilise le marché pour défendre son bien-être et améliorer sa position ; du même coup, il déclenche les forces du marché qui peuvent amener la firme à redresser le niveau de performance qu’elle avait laissé fléchir. De même, quand une société commence à donner des signes de défaillance, la réaction immédiate des actionnaires bien informés est de suivre l’adage : « si la direction d’une firme ne vous plaît pas, vendez ». La chute des cours qui s’en suit oblige les dirigeants à réagir sauf à s’exposer à quelque OPA inamicale, avec changement de direction à la clef.
Mais le jeu combiné de la défection et de la concurrence peut n’avoir d’autre effet que d’amener les firmes rivales à s’arracher les unes aux autres leur clientèle respective ; elle n’est plus alors qu’un gaspillage d’énergie et une manoeuvre de diversion, empêchant les consommateurs de militer pour obtenir une amélioration des produits ou les entraînant à user leurs forces dans la recherche vaine du produit idéal.
A preuve cet échantillon de lettres adressées par les propriétaires de voitures défectueuses : a) à la société Ford : «Ma Falcon est le dernier modèle de Ford que j'envisagerais d'acheter. J’ai épuisé mon compte en banque à remplacer à plusieurs reprises la transmission de ma Falcon ; j'estime qu'il y a quand même des façons plus agréables de dépenser son argent » ; b) à General Motors : « Nous avons une camionnette Chevrolet. Soyez sûr qu'après tous les ennuis que j'ai eus et tout le temps que j'ai perdu, je ne suis pas près de racheter un modèle de General Motors. »...
Il saute aux yeux que la rivalité des organisations politiques a souvent été décrite dans les mêmes termes. Les critiques radicaux des sociétés dotées d’un système stable de partis ont fréquemment dénoncé la concurrence des partis dominants en arguant du fait qu’elle n’offre pas à l’électorat de choix véritable.
LA PRISE DE PAROLE (VOICE)
Le client d’une firme ou le membre d’une organisation, en recourant à la prise de parole plutôt qu’à la défection, cherche à modifier l’orientation, la production ou les manières de faire de la firme ou de l’organisation considérée. Répond donc à la définition de la prise de parole toute tentative visant à modifier un état de fait jugé insatisfaisant, que ce soit en adressant des pétitions individuelles ou collectives à la direction en place, en faisant appel à une instance supérieure ayant barre sur la direction ou en ayant recours à divers types d’action ayant pour but de mobiliser l’opinion publique.
La décision de faire défection est fréquemment subordonnée à un jugement porté sur la possibilité d’utiliser efficacement la prise de parole. Si les clients ont de bonnes raisons de croire que leurs récriminations aboutiront à un résultat, il se peut fort bien qu’ils renoncent temporairement à faire défection. D’où il ressort que la propension à faire défection est subordonnée au fait que les clients ont la possibilité et la volonté de faire entendre leur voix.
Faire défection, c’est perdre la possibilité de prendre la parole, mais l’inverse n’est pas vrai ; aussi la défection sera-t-elle dans certains cas la solution adoptée en dernier recours, lorsque l’échec de la prise de parole est devenu certain. Il apparaît donc que la prise de parole peut se substituer à la défection.
La détérioration des performances d’une entreprise, d’une organisation, se manifeste en règle générale par une détérioration relative ou absolue de la qualité du bien produit ou du service fourni. Clients, usagers ou adhérents peuvent réagir de deux manières :
1. Certains clients cessent d’acheter l’article produit par la firme (ou certains membres de l’organisation cessent de lui appartenir) : c’est la voie de la défection.
2. Ils expriment leur mécontentement en s’adressant soit à la direction, soit à une autorité qui a prise sur la direction, soit encore à qui veut bien les entendre : c’est la voie de la prise de parole.
LA DÉFECTION (EXIT)
Beaucoup d’économistes considèrent la défection comme la seule action efficace du consommateur : ils estiment qu’en infligeant une perte de revenu aux chefs d’entreprise défaillants, elle causera cette « merveilleuse concentration de l’esprit » à laquelle conduit, selon Samuel Johnson, la perspective de la pendaison.
Le consommateur qui, mécontent du produit d’une firme, se tourne vers le produit d’une autre utilise le marché pour défendre son bien-être et améliorer sa position ; du même coup, il déclenche les forces du marché qui peuvent amener la firme à redresser le niveau de performance qu’elle avait laissé fléchir. De même, quand une société commence à donner des signes de défaillance, la réaction immédiate des actionnaires bien informés est de suivre l’adage : « si la direction d’une firme ne vous plaît pas, vendez ». La chute des cours qui s’en suit oblige les dirigeants à réagir sauf à s’exposer à quelque OPA inamicale, avec changement de direction à la clef.
Mais le jeu combiné de la défection et de la concurrence peut n’avoir d’autre effet que d’amener les firmes rivales à s’arracher les unes aux autres leur clientèle respective ; elle n’est plus alors qu’un gaspillage d’énergie et une manoeuvre de diversion, empêchant les consommateurs de militer pour obtenir une amélioration des produits ou les entraînant à user leurs forces dans la recherche vaine du produit idéal.
A preuve cet échantillon de lettres adressées par les propriétaires de voitures défectueuses : a) à la société Ford : «Ma Falcon est le dernier modèle de Ford que j'envisagerais d'acheter. J’ai épuisé mon compte en banque à remplacer à plusieurs reprises la transmission de ma Falcon ; j'estime qu'il y a quand même des façons plus agréables de dépenser son argent » ; b) à General Motors : « Nous avons une camionnette Chevrolet. Soyez sûr qu'après tous les ennuis que j'ai eus et tout le temps que j'ai perdu, je ne suis pas près de racheter un modèle de General Motors. »...
Il saute aux yeux que la rivalité des organisations politiques a souvent été décrite dans les mêmes termes. Les critiques radicaux des sociétés dotées d’un système stable de partis ont fréquemment dénoncé la concurrence des partis dominants en arguant du fait qu’elle n’offre pas à l’électorat de choix véritable.
LA PRISE DE PAROLE (VOICE)
Le client d’une firme ou le membre d’une organisation, en recourant à la prise de parole plutôt qu’à la défection, cherche à modifier l’orientation, la production ou les manières de faire de la firme ou de l’organisation considérée. Répond donc à la définition de la prise de parole toute tentative visant à modifier un état de fait jugé insatisfaisant, que ce soit en adressant des pétitions individuelles ou collectives à la direction en place, en faisant appel à une instance supérieure ayant barre sur la direction ou en ayant recours à divers types d’action ayant pour but de mobiliser l’opinion publique.
La décision de faire défection est fréquemment subordonnée à un jugement porté sur la possibilité d’utiliser efficacement la prise de parole. Si les clients ont de bonnes raisons de croire que leurs récriminations aboutiront à un résultat, il se peut fort bien qu’ils renoncent temporairement à faire défection. D’où il ressort que la propension à faire défection est subordonnée au fait que les clients ont la possibilité et la volonté de faire entendre leur voix.
Faire défection, c’est perdre la possibilité de prendre la parole, mais l’inverse n’est pas vrai ; aussi la défection sera-t-elle dans certains cas la solution adoptée en dernier recours, lorsque l’échec de la prise de parole est devenu certain. Il apparaît donc que la prise de parole peut se substituer à la défection.
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