Le 16 avril 2007, sur le campus de Virginia Tech, le jeune Cho Seung Hui tue de sang froid 32 étudiants avant de retourner son arme contre lui (cf. ici). On ne naît pas criminel, on le devient. Comment Cho Sung Hui est-il devenu un assassin ?
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La socialisation est ce processus par lequel l’individu intègre les valeurs et les normes en vigueur dans l'ensemble social, apprend à maîtriser les différents rôles sociaux qui lui sont assignés et, finalement, s’adapte à son environnement social. Manifestement, Seung-hui n’était pas très bien adapté… Le fait est qu’il n’a pu devenir ce qu’il voulait être : un jeune comme les autres. Pour parler comme Bourdieu, son désir d’être n’était pas ajusté à son pouvoir être.
Quelque chose au-dedans de lui, ou en dehors de lui, l’a fait se détacher progressivement de son milieu social, lui imposant le sentiment insupportable d’une solitude sans recours. Or, écrit Halbwachs, « il n'y a rien qu'une pensée formée par la société soit moins capable de regarder en face que le vide social ». Il ne faut pas chercher plus loin la cause du désespoir de Seung-hui et du crime qui en a résulté.
Quelque chose au-dedans de lui, ou en dehors de lui, l’a fait se détacher progressivement de son milieu social, lui imposant le sentiment insupportable d’une solitude sans recours. Or, écrit Halbwachs, « il n'y a rien qu'une pensée formée par la société soit moins capable de regarder en face que le vide social ». Il ne faut pas chercher plus loin la cause du désespoir de Seung-hui et du crime qui en a résulté.
Les causes externes
¤ Un enfant sous-socialisé
Enfant, Seung-hui est livré à lui-même, sous la garde de sa grande sœur, qui passe tout son temps à étudier. Ses parents travaillent du matin au soir, ils n’ont pas le temps de s’occuper de lui. Ses seuls loisirs sont des loisirs solitaires : les jeux vidéos, la télé, faire (seul) des paniers au basket. A l’école, il a du mal à s’exprimer en anglais, s’exposant aux railleries de ses camarades. Leurs sarcasmes le poursuivent lors des séances de catéchisme. Ainsi persécuté, Seung-hui se replie plus encore sur lui-même.
¤ L’émigration
Seung-hui a grandi à Séoul. Arrivé à 8 ans aux US, il lui faut apprendre une nouvelle langue, et se familiariser avec une autre culture. Pas facile. Dans la région de Washington, ils sont pourtant 200 000 coréens dans ce cas. Mais la famille Cho est isolée, elle n’est pas intégrée dans la communauté coréenne.
Les causes internes
Le social n’est pas tout. Manifestement, la dérive déviante de Seung-hui s’explique aussi par sa personnalité.
¤ Des troubles mentaux précoces
Déjà en Corée, le jeune Seung-hui ne parlait pas. La famille était consciente que cet enfant n’était pas tout à fait normal, mais, pour ne pas mettre à mal l’honneur familial, on n’a pas jugé bon de le faire soigner. Les préjugés culturels ont ici pesé lourd.
¤ Un enfant sous-socialisé
Enfant, Seung-hui est livré à lui-même, sous la garde de sa grande sœur, qui passe tout son temps à étudier. Ses parents travaillent du matin au soir, ils n’ont pas le temps de s’occuper de lui. Ses seuls loisirs sont des loisirs solitaires : les jeux vidéos, la télé, faire (seul) des paniers au basket. A l’école, il a du mal à s’exprimer en anglais, s’exposant aux railleries de ses camarades. Leurs sarcasmes le poursuivent lors des séances de catéchisme. Ainsi persécuté, Seung-hui se replie plus encore sur lui-même.
¤ L’émigration
Seung-hui a grandi à Séoul. Arrivé à 8 ans aux US, il lui faut apprendre une nouvelle langue, et se familiariser avec une autre culture. Pas facile. Dans la région de Washington, ils sont pourtant 200 000 coréens dans ce cas. Mais la famille Cho est isolée, elle n’est pas intégrée dans la communauté coréenne.
Les causes internes
Le social n’est pas tout. Manifestement, la dérive déviante de Seung-hui s’explique aussi par sa personnalité.
¤ Des troubles mentaux précoces
Déjà en Corée, le jeune Seung-hui ne parlait pas. La famille était consciente que cet enfant n’était pas tout à fait normal, mais, pour ne pas mettre à mal l’honneur familial, on n’a pas jugé bon de le faire soigner. Les préjugés culturels ont ici pesé lourd.
¤ Une suspicion d’abus sexuel
Les textes de Seung-hui évoquent de façon obsessionnelle le viol, les curés et enseignants pédophiles, le beau-père peloteur… A-t-il été lui-même abusé ? Cela pourrait alors expliquer son mutisme et ses difficultés à communiquer.
Le crime d’un désespéré
Malgré ces handicaps, Seung-Hui a réussi l’exploit de se frayer un chemin jusqu’à l’Université. Mais il est toujours aussi seul. Il n’a aucun ami, ne participe à aucune activité, ni ne sort jamais. Il passe pour un original, un lève-tôt, un solitaire qui dîne seul au réfectoire. Personne ne prête attention à lui.
Coupé des autres, Seung s’invente un monde à lui : il raconte à ses camarades qu’il a une petite amie nommée Jelly, qu’il a passé ses vacances avec Poutine. Il consacre ses loisirs à surfer sur le net, à jouer et à visionner des films violents. En fin de compte, il ne sait plus très bien qui il est : il signe ses devoirs d’un point d’interrogation. Un moyen aussi d’attirer l’attention.
Cependant, il fait des efforts pour communiquer. Il participe à des forums sur le net. Les filles l’attirent. Il essaie, maladroitement, de nouer le contact avec elles. Mais il réussit seulement à leur faire peur. Elles appellent la police. Sur le campus, Seung passe désormais pour un pervers, un cinglé. Ainsi étiqueté, il parle déjà de se tuer.
En désespoir de cause, il écrit, essayant de dire par le moyen de la littérature ce qu’il ne sait dire en parlant. Mais, là encore, il ne réussit qu’à effrayer ses camarades et ses professeurs, qui ne voient plus en lui qu’une menace, un school-killer en puissance. Dans Le Monde, Jonathan Littell observera que « c'est peut-être devenu un tueur parce que personne n'a su le lire ».
Conclusion
Le crime de Virginia Tech est le fait d’un psychopathe, mais ce psychopathe est le produit de la société. Seung-hui était un jeune homme qui voulait juste être comme les autres. Comme tout un chacun, il avait besoin des autres pour y arriver. Le problème de Seung-hui est que, dans son cas, les autres se sont détournés de lui. En ce sens, son histoire est le négatif de la nôtre.
« La santé est un état d'équilibre instable, qui comporte bien des oscillations. Ce qu'on observe chez le psychopathe n'est souvent qu'une exagération, en intensité et en fréquence, de troubles auxquels la plupart des organismes, malgré leur santé apparente, sont aussi exposés. Sans doute il y a une différence en ce que le malade est mal adapté aux conditions du milieu normal, qu'il en souffre et que cette souffrance est assez forte pour le pousser dans certains cas jusqu'au suicide. L'homme normal, au contraire, est adapté au milieu normal. Mais que le milieu change, pour quelque raison que ce soit ; ce sera un milieu anormal, auquel l'homme normal ne sera plus adapté. Il sera dans la situation même où était, et où sans doute est resté le psychopathe ».
Les textes de Seung-hui évoquent de façon obsessionnelle le viol, les curés et enseignants pédophiles, le beau-père peloteur… A-t-il été lui-même abusé ? Cela pourrait alors expliquer son mutisme et ses difficultés à communiquer.
Le crime d’un désespéré
Malgré ces handicaps, Seung-Hui a réussi l’exploit de se frayer un chemin jusqu’à l’Université. Mais il est toujours aussi seul. Il n’a aucun ami, ne participe à aucune activité, ni ne sort jamais. Il passe pour un original, un lève-tôt, un solitaire qui dîne seul au réfectoire. Personne ne prête attention à lui.
Coupé des autres, Seung s’invente un monde à lui : il raconte à ses camarades qu’il a une petite amie nommée Jelly, qu’il a passé ses vacances avec Poutine. Il consacre ses loisirs à surfer sur le net, à jouer et à visionner des films violents. En fin de compte, il ne sait plus très bien qui il est : il signe ses devoirs d’un point d’interrogation. Un moyen aussi d’attirer l’attention.
Cependant, il fait des efforts pour communiquer. Il participe à des forums sur le net. Les filles l’attirent. Il essaie, maladroitement, de nouer le contact avec elles. Mais il réussit seulement à leur faire peur. Elles appellent la police. Sur le campus, Seung passe désormais pour un pervers, un cinglé. Ainsi étiqueté, il parle déjà de se tuer.
En désespoir de cause, il écrit, essayant de dire par le moyen de la littérature ce qu’il ne sait dire en parlant. Mais, là encore, il ne réussit qu’à effrayer ses camarades et ses professeurs, qui ne voient plus en lui qu’une menace, un school-killer en puissance. Dans Le Monde, Jonathan Littell observera que « c'est peut-être devenu un tueur parce que personne n'a su le lire ».
Conclusion
Le crime de Virginia Tech est le fait d’un psychopathe, mais ce psychopathe est le produit de la société. Seung-hui était un jeune homme qui voulait juste être comme les autres. Comme tout un chacun, il avait besoin des autres pour y arriver. Le problème de Seung-hui est que, dans son cas, les autres se sont détournés de lui. En ce sens, son histoire est le négatif de la nôtre.
« La santé est un état d'équilibre instable, qui comporte bien des oscillations. Ce qu'on observe chez le psychopathe n'est souvent qu'une exagération, en intensité et en fréquence, de troubles auxquels la plupart des organismes, malgré leur santé apparente, sont aussi exposés. Sans doute il y a une différence en ce que le malade est mal adapté aux conditions du milieu normal, qu'il en souffre et que cette souffrance est assez forte pour le pousser dans certains cas jusqu'au suicide. L'homme normal, au contraire, est adapté au milieu normal. Mais que le milieu change, pour quelque raison que ce soit ; ce sera un milieu anormal, auquel l'homme normal ne sera plus adapté. Il sera dans la situation même où était, et où sans doute est resté le psychopathe ».
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Maurice Halbwachs, Les causes du suicide, 1930
1 commentaire:
Note très intéressante. Peut-être pourrait on creuser plus du côté de l'étiquetage, que vous abordez rapidement. Car c'est le moment le plus important de la "carrière du déviant" au sens de HS Becker.
L'exemple de Cho Seung Hui permet également d'illustrer les théories de Durkheim, sur le suicide bien évidement mais également sur la fonction sociale du crime. Comme disait Durkheim, « chaque société est prédisposée à fournir un contingent déterminé de. morts volontaires ». Et dans Définitions du crime et fonction du chatiment" on peut lire : « le châtiment est destiné à agir sur les honnêtes gens, non sur les criminels, et nous ne réprouvons pas un acte parce qu'il est criminel, mais il est criminel parce que nous le réprouvons. »
Juste après le crime de VirginiaTech j'avais rédigé un billet à propos du poids du groupe dans les sociétés est-asiatiques. on peut toujours le lire ici
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