« On trouve dans l’envie l'amour de la justice, observait William Hazlitt. Nous sommes davantage peinés par la vue d'un bonheur immérité que par celle d'un bonheur mérité ». C’est à voir ! L'envieux invoque toujours la justice. Mais la justice a bon dos.
Aristote définit l'envie comme « la peine que l’on éprouve à la vue du succès de nos semblables » [1] -- surtout si ce succès est mérité ! En effet, nous dit Nozick, « si certaines inégalités de position… font tant souffrir », ce n’est pas « en raison du sentiment que cette position supérieure est imméritée, mais du sentiment que c'est mérité et gagné. Savoir que quelqu'un d'autre est parvenu à un résultat plus grand ou s'est élevé plus haut peut blesser l'amour-propre de quelqu'un et lui donner le sentiment d'une valeur personnelle moindre » [2].
Bien sûr, il nous arrive aussi d’éprouver, en certaines circonstances, un sentiment d'injustice tout à fait légitime, exempt d’envie. Nous pouvons ressentir de la pitié, ce sentiment causé par « un malheur immérité », ou de l’indignation, ce sentiment que « nous éprouvons à la vue d'un succès immérité » [3]. « Dans les deux cas, précise Aristote, ce sentiment est honnête ». On voit bien ici la différence entre l’indignation et l’envie: « l’indignation est une réaction qu’on peut éprouver quand la fortune sourit à de mauvaises gens, tandis qu’on éprouve de l’envie du fait du bonheur des gens de bien ». [4]
Las ! Il n'est pas toujours évident de distinguer l'envie mauvaise de l'indignation vertueuse. "Si tu regardes en haut, dit un proverbe, tu te fais mal aux yeux ; si tu regardes en bas, tu te fais mal au cœur" [5]. On a mal au cœur parce que la misère du monde nous inspire de la pitié ; mais pourquoi a-t-on mal aux yeux quand on regarde en haut ? Pourquoi certains ont-ils eu mal aux yeux, l'autre jour, quand ils ont vu Sarkozy se reposer sur ce yacht ?
Il fut un temps où "seuls les rois enviaient les rois" (Bacon). Ce temps est révolu. Dans nos démocraties, même le Président de la République est censément l'égal de tous. Partant, il s'expose à l'envie, comme à l'indignation. Et l'on voit alors nos ligues de vertu s'indigner de ce que le futur Président soit allé fêter sa victoire sur un yacht de grand luxe. Mais quel mal y a-t-il à cela ? On ne gagne pas tous les jours une élection présidentielle ! Sarko est riche, il n'a jamais fait mystère de ses liens intimes avec des entrepreneurs milliardaires, et son escapade maltaise n'a probablement rien coûté au contribuable. On peut critiquer le mauvais goût, ou les goûts de luxe du futur Président, mais la vie quotidienne d’un Président de la République est beaucoup plus luxueuse encore que ces trois journées de farniente. Bref, les réactions d'une partie de l'opinion aux vacances de Sarko démontrent, me semble-t-il, combien la démocratie a étendu le domaine de l'envie...
Le politoscope (pdf) du Figaro a posé à 1100 personnes la question suivante: "Vous savez que Nicolas Sarkozy effectue actuellement un séjour à Malte. Selon vous, les conditions de ce séjour sont-elles… ?"
Aristote définit l'envie comme « la peine que l’on éprouve à la vue du succès de nos semblables » [1] -- surtout si ce succès est mérité ! En effet, nous dit Nozick, « si certaines inégalités de position… font tant souffrir », ce n’est pas « en raison du sentiment que cette position supérieure est imméritée, mais du sentiment que c'est mérité et gagné. Savoir que quelqu'un d'autre est parvenu à un résultat plus grand ou s'est élevé plus haut peut blesser l'amour-propre de quelqu'un et lui donner le sentiment d'une valeur personnelle moindre » [2].
Bien sûr, il nous arrive aussi d’éprouver, en certaines circonstances, un sentiment d'injustice tout à fait légitime, exempt d’envie. Nous pouvons ressentir de la pitié, ce sentiment causé par « un malheur immérité », ou de l’indignation, ce sentiment que « nous éprouvons à la vue d'un succès immérité » [3]. « Dans les deux cas, précise Aristote, ce sentiment est honnête ». On voit bien ici la différence entre l’indignation et l’envie: « l’indignation est une réaction qu’on peut éprouver quand la fortune sourit à de mauvaises gens, tandis qu’on éprouve de l’envie du fait du bonheur des gens de bien ». [4]
Las ! Il n'est pas toujours évident de distinguer l'envie mauvaise de l'indignation vertueuse. "Si tu regardes en haut, dit un proverbe, tu te fais mal aux yeux ; si tu regardes en bas, tu te fais mal au cœur" [5]. On a mal au cœur parce que la misère du monde nous inspire de la pitié ; mais pourquoi a-t-on mal aux yeux quand on regarde en haut ? Pourquoi certains ont-ils eu mal aux yeux, l'autre jour, quand ils ont vu Sarkozy se reposer sur ce yacht ?
Il fut un temps où "seuls les rois enviaient les rois" (Bacon). Ce temps est révolu. Dans nos démocraties, même le Président de la République est censément l'égal de tous. Partant, il s'expose à l'envie, comme à l'indignation. Et l'on voit alors nos ligues de vertu s'indigner de ce que le futur Président soit allé fêter sa victoire sur un yacht de grand luxe. Mais quel mal y a-t-il à cela ? On ne gagne pas tous les jours une élection présidentielle ! Sarko est riche, il n'a jamais fait mystère de ses liens intimes avec des entrepreneurs milliardaires, et son escapade maltaise n'a probablement rien coûté au contribuable. On peut critiquer le mauvais goût, ou les goûts de luxe du futur Président, mais la vie quotidienne d’un Président de la République est beaucoup plus luxueuse encore que ces trois journées de farniente. Bref, les réactions d'une partie de l'opinion aux vacances de Sarko démontrent, me semble-t-il, combien la démocratie a étendu le domaine de l'envie...
Le politoscope (pdf) du Figaro a posé à 1100 personnes la question suivante: "Vous savez que Nicolas Sarkozy effectue actuellement un séjour à Malte. Selon vous, les conditions de ce séjour sont-elles… ?"
Manifestement, la vue de Sarko sur son yacht a surtout fait mal aux yeux des électeurs de gauche... Au total, 42 % des français interrogés estiment choquantes les conditions du séjour maltais.
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S’agit-il d’indignation ou s’agit-il plutôt d’envie ? Sacrée question, qui conduit à s'interroger sur la notion de "justice sociale" et la place que l'on y fait à l'envie. Malheureusement, il semble que l'envie soit un sujet tabou en sciences sociales, et en SES en particulier... Je n'ai pu relever une seule occurrence du mot dans les nouveaux manuels de TES (ni dans les index, ni dans les lexiques, ni dans le chapitre "Idéal démocratique et inégalité"), alors que le thème de la justice sociale est abondamment traité...
Références
[1] Aristote, Rhétorique, Livre 2, Chapitres X
[2] Robert Nozick, Anarchie, Etat et Utopie (1974), trad. PUF 1988
[3] Aristote, Topiques, 110, a, 2
[4] ibid.
[5] cité par Simon D. Messing, dans les commentaires de l’article de George Foster: Anatomy of envy, Current anthropology, 1972, – vol 13, n° 2.
3 commentaires:
Très bon post, court pour une fois (puisque le principal défaut que je trouve à votre blog, c'est la longueur excessive des articles, longueur qui a pour conséquence une lecture moins attentive des articles)
J'avais justement posé cette même question dans un article récent où je m'interroge sur les déterminants psychologiques et moraux de l'aversion à l'égalité. J'ai été surpris de ne pas trouver d'article précis sur ce sujet. Si vous avez quelques références, je suis preneur.
Et si,encore une fois, la question du sondage était à l'origine de la réponse? Je puis être "choqué" puisque je n'ai jamais imaginé Sarkozy de Nagybocsa pouvant faire partie des "gens de peu" qui "se lèvent tôt" pour trimer dur. Pas plus que je ne l'ai imaginé ayant des loisirs autres qu'ostentatoires. C'est notre président qui choque au sens de la marine : "donner du mou à une écoute"...
Monsieur Sarkozy, a priori a compris qu’il avait un peu déconné en termes d’image avec son escapade maltaise en yacht et fait désormais amende honorable.
Tous les détails sur le blog www.thedino.org, le billet s’intitule « TUPPERWARE »
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