Le sort d’une élection dépend beaucoup du mode de scrutin. Soit une classe de 23 élèves qui s’apprêtent à élire leur chef de classe. Selon le mode de scrutin retenu, on démontre que le résultat peut être très différent.
¤ Vote uninominal, à la majorité simple, à un tour. C’est le système anglo-saxon : First past the post.
Basile : 11 voix
Mickey : 10 voix
Carole : 2 voix
Résultat : Basile est élu.
¤ Vote uninominal, à la majorité absolue, à deux tours. C’est le système français. Dans ce cas de figure, Carole est éliminée. Au second tour, Mickey bénéficie du bon report de voix des électeurs de Carole :
Basile : 11 voix
Mickey : 12 voix
Résultat : Mickey est élu.
¤ Vote avec échelle de préférences. C’est le vote le plus démocratique par excellence. Avec trois candidats, l’électeur a le choix entre 6 combinaisons possibles (6 bulletins). Les votes sont les suivants :
B > M > C : 0
B > C > M : 11
M > B > C : 0
M > C > B : 10
C > B > M : 0
C > M > B : 2
Résultats des duels :
B > M : 11
M > B : 12
==> Mickey est préféré à Basile
B > C : 11
C > B : 12
==> Carole est préféré à Basile
M > C : 10
C > M : 13
==> Carole est préférée à Mickey
Résultat : Carole est élue.
Hélas, ce mode de scrutin, qui permet à l’électeur d’exprimer un ordre de préférences sur l’ensemble des candidats, est difficilement applicable dans la pratique. Il butte sur le paradoxe de Condorcet. Pour le montrer, il suffit de partir d'une distribution des votes un peu différente :
B > M > C : 2
B > C > M : 9
M > B > C : 0
M > C > B : 10
C > B > M : 2
C > M > B : 0
Résultats des duels :
B > M : 13
M > B : 10
==> Basile est préféré à Mickey
B > C : 11
C > B : 12
==> Carole est préférée à Basile
M > C : 12
C > M : 11
==> Mickey est préféré à Carole
Résultat : ???
Comme le remarquait Condorcet : « Il est évident que ces trois propositions ne peuvent être vraies en même temps puisque, des deux premières, et en général de deux quelconques, admises ensemble, résulte nécessairement une conséquence contradictoire avec la troisième. » Sur les Assemblées provinciales, note première.
En clair, lorsqu’on passe du niveau individuel au niveau collectif, il n’est pas toujours possible d’aboutir à un ordre de préférences stable. L’agrégation des préférences individuelles fait émerger un ordre de préférences collectives qui ne vérifie plus la condition de transitivité.
En pratique, l’effet Condorcet dépend du nombre de candidats et du nombre d’électeurs. S’il y a 3 candidats, comme dans l’exemple précédent, la probabilité d’un tel effet est de 5.6 % avec 3 électeurs, et tend vers une limite de 9 % quand le nombre d’électeurs se chiffre en dizaines de millions. Mais il peut atteindre 100 % si le nombre de candidats se chiffre en milliers.
Pour en savoir plus :
Jean-Louis Boursin, Les dés et les urnes, Seuil 1990.
Joseph Stiglitz, Principes d’Economie politique, Bruxelles, De Boeck Université, 2000. Disponible sur Melchior.
Et l’article de Wiki sur le paradoxe de Condorcet.
3 févr. 2007
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