19 août 2006

Pouvoir et prospérité des nations : l'analyse de Mancur Olson

Le texte ci-après est paru initialement dans la revue IDEES de décembre 2003, partiellement reproduit dans Problèmes Economiques du 31 mars 2004
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Avant de mourir, Mancur Olson nous a laissé un dernier livre. Power and Prosperity résume et systématise l’essentiel d’une pensée qui emprunte à l’Histoire, aux sciences politiques et aux sciences économiques (1). Economiste politique par excellence, Olson s’attaque ici à la question d’Adam Smith : pourquoi certaines nations sont-elles devenues riches et d'autres sont-elles restées pauvres ?

Pour répondre à cette question, d’autres auteurs ont mis en avant le rôle de la Culture, de la Géographie, ou des Institutions (2). Mais c’est le rôle du Pouvoir qui retient l’attention de Mancur Olson.

A l’instar des Fondateurs de l’économie politique, qui pensaient qu’il fallait autant que possible économiser le politique, Olson savait que le développement économique passe par la domestication du politique. Fondamentalement, le développement n’a besoin que des incitations d’un marché libre et des institutions d’un Etat de droit. Au lieu de quoi, ceux qui ont du pouvoir affaiblissent trop souvent les premières en faisant des secondes un instrument de spoliation.

C’était typiquement le cas dans les sociétés pré-capitalistes. Dans ces sociétés, la logique de la force primait la logique de l’échange. Le principe dominant du comportement économique était fondé sur la raison du plus fort – ou le mobile universel de l’intérêt servi par le moyen spécifique de la violence (3).

Par bonheur, qu’ils soient princes ou bandits, les puissants ont un encompassing interest (un intérêt élargi) qui les conduit à ménager ceux qui les font vivre. Selon la formule du Duc de Rohan : “le Prince commande au peuple, mais l’intérêt commande au Prince”.

A cet égard, la démocratie représente un grand progrès pour la civilisation. Outre les bienfaits évidents des libertés publiques, le régime démocratique présente le grand avantage d’élargir considérablement l’encompassing interest des dirigeants. En système démocratique, les dirigeants ne peuvent "se servir" qu’à condition de "servir" convenablement les intérêts d’une majorité de citoyens. Et de même que la concurrence fait le bonheur des consommateurs, la concurrence politique fait le bonheur des électeurs. En particulier, la démocratie sert la cause des libertés économiques et de la paix, ces biens publics sans lesquels le développement n’aurait pas lieu (4).

Bien sûr, ici ou là des dictatures peuvent afficher un bilan économique remarquable. Mais, d’une part, tous les délires constructivistes, et les démocides qui en ont découlé, ont eu pour cadre des régimes autoritaires ; d’autre part, la démocratie, en développant au fil du temps des garde-fous institutionnels et des contre-pouvoirs, se révèle à l'usage un système auto-correcteur.

Aussi peut-on espérer que nos démocraties viendront à bout du mal pernicieux qui les ronge aujourd’hui : la mise en coupe réglée de l’Etat par les lobbies.

Les lobbies sont les prédateurs des temps démocratiques. Sous leur emprise, l’Etat tend à ressembler à la définition qu’en donnait Bastiat : "la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde". Partout, des groupes bien informés et bien organisés cherchent à vivre aux dépens du Peuple, généralement mal informé et mal organisé.

Ce cancer des sociétés démocratiques ne peut-être contenu que par l’information et l’éducation des élites et du public. C’est ici que l’économiste intervient.

Il y a 160 ans, alors que paraissait le premier numéro de The Economist (5), Alexis de Tocqueville écrivait à Lord Radnor :

"Vous êtes depuis trop longtemps dans la vie politique, my lord, pour ne pas savoir que ce qu'il y a de plus difficile et de plus long dans la tâche du législateur, c'est de guérir les maux qu'il a fait lui-même. Mais c'est déjà beaucoup pour guérir le mal que de savoir où est sa source. C'est ce que l'étude de l'économie politique apprend. Sous ce rapport, des journaux semblables à celui que vous me recommandez sont très utiles. Mon intention, à mon retour à Paris, est d'indiquer l'Economist aux bibliothécaires de la Chambre, afin qu'ils s'abonnent à ce journal ; et qu'ainsi il soit mis sous les yeux des députés". (6)

Mais il ne suffit pas de répandre parmi l’élite les lumières de la "science lugubre", ce à quoi un Mancur Olson ou The Economist s’emploient avec talent. En système démocratique, il faut aussi éduquer le grand public.
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Résumé détaillé de:

Power and Prosperity - Outgrowing communist and capitalist dictatorship
Mancur OLSON, Basic Books, 2000

Prosperous economies need market-augmenting government
Mancur Olson, 1997

Les nations prospères sont celles qui ont su organiser et ménager des incitations à produire et échanger. Inversement, les nations pauvres sont celles dans lesquelles la prédation passe pour plus payante que la production, où l’on est davantage incité à prendre (to take) qu’à faire (to make), à voler qu’à échanger.

D’où vient que le jeu des intérêts favorise ici la coopération et ailleurs la spoliation ? d’où vient que certaines sociétés sont prospères et d’autres réduites à la misère et à l’autosubsistance ?

Pour répondre à ces questions, il nous faut une théorie du Pouvoir. Plus précisément, il nous faut comprendre à quelles conditions les leaders politiques sont incités à user du pouvoir d’une manière socialement profitable.

1ère partie : La logique du Pouvoir

Partant du postulat que le mobile de l’intérêt personnel domine tous les autres, il peut-être utile d’étudier la logique du crime pour saisir celle de la politique.

1. Métaphores criminelles : Rulers as robbers

Trop de crime tue le crime

Selon le mot de Bentham, "il est de l’intérêt du loup que les moutons soient gras". Dans une société prospère, les voleurs sont prospères...

Las ! le crime tend à réduire la prospérité générale. Non seulement le criminel ne produit pas, mais ses méfaits réduisent la profitabilité de l’activité économique, donc l’incitation à produire ; et la protection contre le crime divertit des ressources rares d’emplois plus productifs. Est-ce à dire que le criminel est incité à modérer ses prises pour préserver son "marché" ?

Si l’on se place du point de vue du criminel individuel, la réponse est non. Dans une ville d’un million d’habitants, le criminel supportera un millionième du coût social de son activité antisociale : au vu du gain qu’il en retire, le coût du crime pour le criminel est dérisoire. En pareil cas, la propension au crime n’est contenue que par le risque d’être puni, i.e. l’efficacité de la répression.

Tout différent est le cas du crime organisé. Lorsqu’en un lieu donné, la Mafia est parvenue à évincer tous ses rivaux et à régner sans partage, elle a tout intérêt à préserver la sécurité des résidents et la profitabilité de leurs activités. A la limite, dans les zones contrôlées par la Mafia, la délinquance et les incivilités sont exceptionnelles ; seul subsiste, pour son plus grand bénéfice, un racket de protection (le prix de la tranquillité).

Alors que l’intérêt du criminel individuel est trop restreint pour le dissuader de voler tout ce qu’il peut voler, l’intérêt élargi (encompassing interest) de la Mafia lui fait prendre en compte l’intérêt général. Prélevant une portion substantielle des revenus de la communauté, la Mafia supporte une part substantielle du coût social de ses agissements. Pour ces raisons, elle veillera à ce que les moutons soient gras. Le loup se fait berger.

Le bandit nomade et le bandit sédentaire

Dans la Chine des années 20, les seigneurs de la guerre faisaient la loi. Ils passaient, pillaient, repartaient... Et puis vint Feng Yu-Hsiang. Il tint en respect les pillards de Loup Blanc, imposa sa loi... et les habitants acclamèrent leur seigneur Feng (7). Pourquoi le peuple préférait-il le bandit sédentaire Feng, auquel ils devraient payer perpétuellement tribut, au bandit nomade Loup Blanc, qui les pillait seulement de temps en temps ?

C’est que, comme pour la Mafia, un intérêt élargi commandait au bandit Feng de ménager le peuple qui le faisait vivre. En pareille situation, le bandit sédentaire a intérêt à prendre un peu moins s’il veut récolter un peu plus. S’il prélevait 95 % des revenus totaux et n’en prélève plus que 90 %, la profitabilité privée de l’activité économique est multipliée par deux. Il est vraisemblable qu’un surcroît de production en résultera, de telle sorte que l’augmentation de la base fiscale fait plus que compenser la baisse de la pression fiscale.

En théorie, le bandit Feng aura intérêt à baisser le taux de l’impôt jusqu’au point où toute variation supplémentaire de ce taux ferait baisser le produit fiscal. Par exemple, le taux de taxation optimal s’établit à 50 % si un dollar de prélèvement supplémentaire réduit la base fiscale de plus de deux dollars et si un dollar de prélèvement en moins augmente la base fiscale de moins de deux dollars.

L’intérêt élargi du bandit sédentaire l’incite aussi à offrir à la communauté toutes sortes de biens collectifs de nature à maximiser son revenu : forces de sécurité pour dissuader les autres prédateurs, infrastructures et tous facteurs complémentaires de production susceptibles de stimuler l’activité économique. Par exemple, si le bandit Feng prélève 50 % des revenus, il sera incité à offrir des biens publics aussi longtemps qu’un dollar de dépense supplémentaire permet de créer au moins deux dollars de revenus supplémentaires.

En fin de compte, s’il est assez fort pour tenir son territoire (i.e. préserver son monopole), notre bandit est conduit à modérer ses prises et à dépenser une partie du butin en biens collectifs socialement profitables. Dans la mesure où le crime réduit l’incitation à produire, il sera incité à proscrire le crime sur son territoire ; l’impôt sera le seul racket autorisé.

Moyennant quoi, n’écoutant que son intérêt personnel, notre bandit nomade s’est sédentarisé puis, avec le temps, est devenu un autocrate installé, couronné, pourvoyeur de biens collectifs. C’est ainsi que l’intérêt bien compris de ceux qui peuvent mobiliser la plus grande capacité de violence a donné naissance aux gouvernements des sociétés humaines.

Ces vertus insoupçonnées de l’autocratie ont toutefois des limites.

Un horizon temporel restreint

L’autocrate a certes intérêt à promettre à ses sujets que jamais il ne les spoliera, que la monnaie conservera sa valeur au fil du temps, qu’il respectera les contrats privés et publics, et les droits de propriété de chacun... Néanmoins, là où le pouvoir s’obtient par la force, il peut aussi se perdre par la force. Ce risque ne pouvant être ignoré par l’autocrate, son horizon se ferme : à la limite, il est incité à prendre tout ce qu’il peut tant qu’il est temps. L’intérêt de l’autocrate est alors aussi restreint que celui du bandit nomade.

En outre, si puissant soit-il, l’autocrate n’est pas immortel. Plus il se fait vieux, plus il est tenté de se dire "après moi le déluge". C’est ici que la monarchie peut s’avérer utile. En étalant sur plusieurs générations l’horizon de l’autocrate, la monarchie l’incite à faire corps avec l’intérêt à long terme de sa famille, lequel se confond dans une large mesure avec celui du pays.

Quoiqu’il en soit, l’autocratie fut la règle au moins depuis que les conquêtes du Roi Sargon ont fondé l’empire Akkad en Mésopotamie, peu après la naissance de l’agriculture. Et cependant, la population et la production ont augmenté, la civilisation a progressé.

2. De l’autocratie à la démocratie

Supposons que les leaders des régimes démocratiques soient aussi intéressés que ceux des régimes autocratiques, et que le gouvernement cherche d’abord à satisfaire la majorité qui l’a porté au pouvoir : la démocratie est-elle économiquement plus performante que l’autocratie ?

La réponse est positive.

Les vertus de la démocratie

Dans la mesure où les majorités des régimes démocratiques représentent une part des revenus avant impôt beaucoup plus importante que les clientèles prédatrices des régimes autocratiques, leur intérêt élargi est aussi beaucoup plus important. On en déduit que dans les régimes démocratiques, l’incitation à prendre (des impôts) sera plus faible et l’incitation à investir (en biens publics) plus élevée que dans les régimes autocratiques.

Idéalement, des procédures de décisions collectives qui feraient apparaître des majorités élargies de 66 %, 75 % ... créeraient des intérêts super-élargis. Il en va de même si la majorité se compose principalement d’individus percevant des revenus primaires supérieurs à la médiane ; en ce cas, la majorité électorale représente beaucoup plus que la moitié du revenu avant impôt, elle a donc un intérêt super-élargi qui la conduit à prendre le moins possible et à dépenser le butin fiscal en biens publics plutôt qu’en redistribution clientéliste.

Autrement dit, plus s’élargit l’intérêt des dirigeants, moins est ouvert l’espace de la spoliation. Sont alors réunies les conditions politiques optimales de la prospérité d’une nation.

L’émergence de la démocratie libérale

La démocratie peut être imposée de l’extérieur, comme ce fut le cas lorsque les Alliés défirent en 1945 les puissances de l’Axe : pour éviter de nouvelles guerres, les vainqueurs imposèrent aux vaincus un régime démocratique, et les peuples acceptèrent d’autant mieux qu’ils étaient fatigués, jusqu'à l’écœurement, des régimes précédents. Mais comment la démocratie peut-elle émerger de façon autonome ?

Dans certaines conditions historiques, il arrive qu’une coalition parvienne au pouvoir sans que puisse émerger dans ses rangs un leader, une famille, un groupe suffisamment fort pour s’imposer aux autres. Les forces en présence tendant à se neutraliser, tout le monde est incité à s’asseoir à la table des négociations.

Mais pour que le processus débouche sur un partage durable du pouvoir, il faut encore que les différents leaders ne puissent céder à la tentation de démembrer le territoire en autant d’autocraties locales – ce qui suppose que les pouvoirs s’équilibrent et s’entremêlent dans un espace géographique commun. Il faut aussi que le territoire soit à l’abri des invasions étrangères – du fait de certains accidents de la géographie (barrières naturelles) ou de certains concours de circonstances (faiblesse militaire des nations voisines).

Quand ces conditions sont remplies, l’équilibre des forces conduit au partage du Pouvoir. Les différents leaders s’accordent pour établir un gouvernement de coalition et, à défaut de consensus entre eux, on procède à des élections pour déterminer le poids respectif de chaque partie dans la coalition.

Bien entendu, certains seront tentés d’abuser du Pouvoir. Il faut donc s’entendre à l’avance pour limiter le Pouvoir, et tout particulièrement celui de l’Exécutif. A cette fin, les constituants veilleront à ce que les Pouvoirs Judiciaire et Législatif soient indépendants du Pouvoir Exécutif. C’est le principe de la Séparation des Pouvoirs, imaginé par Locke et Montesquieu comme un "système de freins et de contrepoids" pour faire en sorte que, par la force des choses, le Pouvoir arrête le Pouvoir.

Le cas de l’Angleterre constitue une parfaite illustration du modèle ci-dessus. Les guerres civiles du 17ème siècle ne purent faire émerger de vainqueur : divisées sur leurs convictions religieuses et supportées par des intérêts économiques et des groupes sociaux distincts, les parties en présence finirent par s’entendre pour partager le pouvoir ; et comme tous se méfiaient de tous, ils conçurent des arrangements institutionnels pour empêcher qu’aucun leader ne puisse confisquer à son seul profit la totalité du pouvoir. Les pouvoirs de l’exécutif furent limités par ceux du Parlement, où toutes les différentes factions étaient représentées ; les pouvoirs du Parlement furent limités par une charte (the Bill of Rights) ; et la justice fut rendue par des autorités judiciaires indépendantes liées par la Common Law.

Moyennant quoi, les contrats et les droits de propriété étaient après 1689 mieux assurés en Angleterre qu’en aucune autre nation au monde. Ce n’est pas un hasard si ce fut là que naquit la Révolution industrielle.

Les sources de l’ordre et du respect des lois

Selon Hobbes, "covenants without swords are but words". Aussi la bonne exécution du contrat social suppose-t-elle l’existence d’un Etat fort, un Tiers Pouvoir supérieur à tous les autres et disposant par le fait du monopole de la violence légitime.

On dira qu’un tel pouvoir coûte cher, plus cher peut-être que les gens ne sont prêts à payer. Mais si l’Etat est assez fort pour imposer sa loi sur un territoire donné, les réfractaires à l’impôt n’auront d’autre choix que de payer. Surtout, dès lors qu’il s’agit de protéger l’ordre public et la propriété privée, l’Etat pourra compter sur la collaboration active de ses sujets. Les riches, en particulier, mettront toute leur influence et leur richesse au service de la Loi. C’est là en soi un soutien décisif (8).

En conclusion, l’intérêt élargi des majorités dans les sociétés démocratiques les incite à choisir de bonnes institutions et de bonnes politiques ; à partir de là, il est possible d’obtenir un degré raisonnable d’ordre et de respect des lois pour un coût somme toute modeste.

Le monde merveilleux de Ronald Coase

Tout échange volontaire est mutuellement avantageux. En théorie, les parties ont intérêt à l’échange tant que les gains excèdent les coûts de transaction – ce qu’il en coûte d’utiliser le marché pour vendre ou acheter un bien. Aussi longtemps qu’il reste du grain à moudre, i.e. que l’équilibre n’est pas efficient au sens de Pareto, les protagonistes sont incités à poursuivre les négociations. La répartition des gains dépendra du pouvoir de négociation des acteurs mais, si les acteurs sont rationnels, ils ne laisseront pas d’argent sur la table !

On voit ainsi comment la logique de l’intérêt individuel concourt à maximiser le niveau général de bien être. C’est le sens du fameux apologue d’Adam Smith.

Depuis Pigou, on considérait toutefois qu’en présence d’externalités, le marché n’est pas efficient au sens de Pareto. Par exemple, le coût privé de la pollution étant très inférieur à son coût social, les entreprises polluantes ne sont guère incitées à réduire leurs nuisances ; inversement, celles qui ne polluent pas ne sont pas récompensées pour leur civisme. Dans ces conditions, le laissez-faire doit céder la place à l’intervention publique, avec son cortège de réglementation ou d’imposition.

Pourtant, selon Coase, il n’en va pas nécessairement ainsi (9).

Le théorème de Coase et ses implications

Soit un fermier et un éleveur. Le premier souffre de voir régulièrement ses champs piétinés par les vaches du second. Si l’on suit Pigou, seule l’action publique, sous la forme d’une réglementation contraignante, pourrait empêcher l’éleveur de laisser divaguer ses bêtes.

Mais, pour peu que le gain social d’un dispositif anti-divagation soit supérieur à son coût, le fermier et l’éleveur vont pouvoir s’entendre. En pratique, le fermier paiera l’éleveur pour qu’il garde ses bêtes chez lui. L’externalité sera finalement internalisée jusqu’au point où les gains sociaux résiduels seront devenus inférieurs aux coûts de transactions (ici, les coûts de négociation). En conséquence, la théorie de Pigou, selon laquelle le laissez-faire n’est pas efficient en présence d’externalités, est fondamentalement fausse.

Par extension, on déduit du théorème de Coase que, dans toute société, les acteurs exploiteront toutes les possibilités d’échange mutuellement avantageux.

Corollaire : dans une économie de marché, le statu quo est efficient. La notion d’échec du marché est un oxymoron et le laissez-faire est encore plus efficient que ne l’avaient pressenti les libertariens. Dès lors que l’échange est libre, nous vivons dans le meilleur des mondes possibles. Vive l’anarchie !

Le théorème de Coase a aussi des implications politiques considérables. Pour Gary Becker, même l’action publique est efficiente au sens de Pareto. Dans la mesure où l’on peut améliorer la position des uns, en modifiant à la marge le système de redistribution et/ou la réglementation, sans affecter celle des autres, il y a là une opportunité politique que les entrepreneurs politiques à l’affût ne laisseront pas passer.

En résumé, le théorème de Coase implique que lorsque les acteurs ont épuisé, sur le marché ou sur le marché politique, toutes les possibilités d’échange mutuellement avantageux, il est impossible d’améliorer la situation des uns sans affaiblir celle des autres. Le statu quo est un optimum de Pareto.

L’ennui, c’est que le monde réel n’est pas un optimum de Pareto ! Dans le monde tel qu’il est, les transactions entre les gens, si rationnels soient-ils, ne sont pas toujours volontaires. Il arrive que la logique de la force prime la logique de l’échange.

La logique de la force

De toute évidence, l’équilibre de la force n’est pas un optimum de Pareto. Le voleur ne se demande pas si sa prise a pour lui plus de valeur que pour sa victime. Les assassins ne choisissent pas toujours leurs victimes parmi les candidats au suicide !

L’action publique aussi est fondée sur la force. Or, quand l’Etat confisque le bien de ses sujets ou les assujettit à l’impôt, il ne se demande pas toujours s’il fera de cet argent un meilleur emploi que celui qu’en auraient fait ses victimes.

De façon générale, il est tentant d’obtenir pour rien, par la force, ce que les autres ne consentiraient à céder éventuellement qu’à titre onéreux, par l’échange. Là où ces tentations ne sont pas contenues, les incitations à produire et à échanger disparaissent. Le risque d’être dépossédé du produit de son travail et de son épargne conduit le plus grand nombre à se replier sur l’autosubsistance. La vie devient alors "solitary, poor, nasty, brutish and short". C’est l’anarchie hobbesienne (10).

L'ennui, c'est que l’anarchie n’existe pas dans le monde merveilleux de Ronald Coase. Le gain social de la transition vers un ordre pacifique serait tel que tout le monde, y compris les bandits, y trouverait son compte. Si les gens sont rationnels, ils ne choisiraient jamais l’anarchie.

Las ! on ne connaît aucun exemple d’une société qui soit parvenue à sortir durablement de l’anarchie et à établir un ordre social pacifique par l’action collective. Pour cela, il faudrait encore qu’un pouvoir supérieur à tous les autres garantisse la bonne exécution du contrat social. Mais si un tel pouvoir existait, il n’y aurait pas d’anarchie !

Surtout, il ne suffit pas que des individus rationnels aient intérêt à l’action collective pour que celle-ci ait lieu. Autrement dit, l’idée que des groupes composés d’individus rationnels sont eux-mêmes rationnels est fausse.

4. Individus rationnels, sociétés irrationnelles

La logique de l’action collective

Si l’on suit la théorie de Coase-Becker, quand les gains espérés de l’action collective l’emportent sur les coûts de participation (et de transaction), les individus ont intérêt à se mobiliser. En réalité, si le groupe est suffisamment large, l’individu rationnel choisira la stratégie du billet gratuit.

Les bénéfices de l’action collective ont en effet la nature d’un bien collectif : ils profitent à tous, qu’ils aient participé ou non à leur réalisation. Ce n’est que dans les petits groupes que l’action collective a une chance d’aboutir. Les coûts de transaction y sont plus faibles et, surtout, l’interdépendance y est plus élevée.

D’une part, le gain de chaque individu dépend davantage de sa participation : dans un groupe de 5, le gain de l’individu dépend pour 20 % de sa contribution personnelle, contre seulement 2 % dans un groupe de 50. Chacun est alors davantage incité à participer. D’autre part, la défection d’un individu réduit de 20 % le bénéfice des autres membres dans un groupe de 5, contre 2 % seulement dans un groupe de 50 : la pression du groupe sur les membres sera alors plus forte.

Pour mobiliser les membres d’un groupe social de grande taille, il faudra qu’à côté des bénéfices collectifs, l’action collective rapporte des bénéfices individualisables. Ainsi les syndicats proposent-ils à leurs adhérents un service personnalisé de formation et d’informations, d’assurance et de défense juridique...

Dans la mesure où de nombreux groupes sont de grande taille et n’ont pas l’opportunité de mobiliser leurs membres à l’aide d’incitations sélectives, ils ne peuvent agir collectivement pour faire triompher leurs intérêts. Il ne reste alors aux citoyens des sociétés démocratiques que la voie du vote individuel.

La logique des lobbies

Pour bien voter, il faut bien s’informer. C’est coûteux et ça ne rapporte pas bien gros : pour un individu donné, la probabilité que son vote soit décisif est en effet proche de zéro. Aussi, qu’il soit physicien ou chauffeur de taxi, l’électeur-type choisit rationnellement de rester ignorant des affaires publiques.

Les conditions sont alors réunies pour permettre à des groupes bien organisés et bien informés de vivre aux dépens de la masse mal organisée et mal informée. Ils y parviennent d’autant mieux que leurs manigances sont ignorées du grand public (cf. le maquis des subventions et des exemptions fiscales...) et que leurs représentants excellent dans l’art d’habiller de bons sentiments des intérêts particuliers (par exemple, en invoquant la protection de l’emploi pour justifier le protectionnisme).

A l’instar du criminel individuel, l’intérêt social des groupes d’intérêts est des plus étroits : ils ne supportent qu’une fraction du coût social de leurs prédations. Par suite, plus s’accroît l’emprise des lobbies, plus on s’éloigne de l’optimum de Pareto.

Mais il faut du temps pour qu’un groupe de pression s’organise, développe des incitations sélectives, et finalement parvienne à ses fins. Voilà pourquoi seules les sociétés stables voient se constituer au fil du temps de puissants et nombreux groupes d’intérêts.

Vient alors le moment où la société est menacée de sclérose par l’activisme des lobbies : ce fut notamment le cas de l’Angleterre avant que la Dame de Fer n’y mette bon ordre. A l’inverse, les sociétés victimes de cataclysmes politiques (guerre, terreur) ou de régimes de fer connaîtront des taux de croissance beaucoup plus élevés du fait de l’anéantissement des lobbies : on peut citer l’URSS de Staline, la Chine après Mao, l’Allemagne, la France et le Japon après 1945, les NPIA jusque dans les années 80, le Chili d’Augusto Pinochet.

De la corruption du système à celle des acteurs

Guidés par la main avide des lobbies, les gouvernements sont conduits à mettre en oeuvre des politiques anti-marché. Mais ce faisant, ils incitent les acteurs à enfreindre la loi. Très vite, le crime et la corruption deviennent la norme.

Ainsi, dans une économie administrée, quand le gouvernement fixe le prix d’un bien en deçà de son prix de marché, la demande de ce bien devient supérieure à l’offre. Vendeurs et acheteurs sont alors incités à s’entendre à un prix supérieur au prix réglementé. Chaque partie gagne à violer la loi. Un bon exemple en fut fourni autrefois par le marché de la location immobilière à Paris ou à New York. De même, dans une économie planifiée, des prix officiels trop bas font naître des files d’attente, donc des opportunités de corruption (11).

Par suite, l’une des raisons principales de la corruption tient au fait que l’Etat fixe des règles et procédures que chacun est incité à enfreindre et que personne n’est incité à dénoncer. Dans la mesure où la société toute entière ne respecte plus les lois, l’Etat devient à son tour miné par la corruption.

De ce point de vue, l’Union soviétique constitue un cas d’école.


2ème partie : Le cas de l’URSS

Son intérêt élargi pousse l’autocrate rationnel à limiter ses prédations, à réduire le taux de taxation de l’économie jusqu’au point où moins d’impôt tue l’impôt. Bien sûr, il peut aussi confisquer les biens de ses sujets, faire marcher la planche à billets ou refuser de rembourser ses créanciers. Mais de tels expédients ne servent pas les intérêts d’un autocrate mû par des considérations de long terme. Ainsi, la voie de l’expropriation ferait chuter le taux d’accumulation du capital et par conséquent le taux de croissance de l’économie, la prospérité générale et celle de l’autocrate.

L’exemple du Stalinisme nous montre pourtant qu’il n’en va pas nécessairement ainsi.

1. Théorie des autocraties de type soviétique

Staline confisqua l’intégralité du capital économique et du capital naturel de l’Union Soviétique. Malgré cela, le taux d’investissement atteignit par la suite des niveaux très supérieurs à celui des sociétés capitalistes.

Contrôlant le capital national, Staline contrôlait aussi la répartition du produit national : il choisit d’accorder la priorité à l’investissement plutôt qu’à la consommation. Par suite, les salaires réels de base étaient très bas. Pourtant, l’effort de travail ne faiblit pas, et l’économie soviétique connut une croissance soutenue.

Staline avait tué la poule aux oeufs d’or et il recevait plus d’œufs d’or que jamais ! Comment cela fut-il possible ?

D’un côté, Staline pressurait les travailleurs. Les taux de taxation implicites sur le travail étaient très élevés. Tout d’abord, les salaires de base des travailleurs intellectuels et des travailleurs manuels étaient établis à un niveau comparable. Outre qu’une telle règle est conforme au principe de l’égalité socialiste, elle permet aussi d’extraire un maximum de plus-value des travailleurs mobilisés. Ensuite, les autorités fixaient à un niveau relativement élevé les prix des biens de consommation courante.

L’un dans l’autre, les ménages soviétiques étaient réduits à travailler plus pour vivre : le taux d’emploi de la population s’éleva spectaculairement. C’est l’effet-revenu. Et comme il n’était pas possible de vivre sans travailler pour l’Etat, aucun effet de revenu négatif ne vint contrarier le premier – contrairement à ce qui advient en Occident, où le travail est libre.

D’un autre côté, le système savait motiver les travailleurs en récompensant les plus productifs au moyen de bonus, de prix, d’avantages en nature (logement, offre de biens positionnels), et du salaire à la pièce. Or les taux de taxation du "sur-travail" étaient fortement dégressifs. La rémunération marginale croissante du travail venant contrarier la loi de l’utilité marginale décroissante du travail, l’effet de substitution jouait à plein.

De cette façon, les travailleurs étaient incités à dépasser les normes pour gagner un peu plus. Ils étaient aussi incités à être le plus qualifiés possible parce que la partie variable et non taxée du salaire augmentait avec le niveau de qualification.

Le système était donc doublement efficace. Pour vivre, il fallait travailler. Pour vivre bien, il fallait étudier et travailler davantage. C’est dans l’agriculture que le système inventé par Staline apparaît le plus clairement.

En 1917, la Russie était principalement une économie agricole, et l’essentiel du "surplus taxable" venait des koulaks. Pour financer l’accumulation socialiste, l’effort militaire et la bureaucratie soviétique, les bolcheviks mirent d’abord en place un monopole de commercialisation des produits agricoles. Mais les prix payés aux producteurs étaient si bas que les paysans réagirent en réduisant leurs livraisons, soit qu’ils se fussent repliés sur l’autosubsistance, soit qu’ils eussent écoulé leurs produits en contrebande. Augmenter les prix eut compromis la construction du socialisme, aussi Staline décida-t-il de collectiviser l’agriculture en éliminant ceux qui avaient de bonnes raisons de s’y opposer : les koulaks.

Les fermes collectives se virent assigner des objectifs de production annuels, fondés sur des critères scientifiques, et des quotas de livraisons impératifs, dont les responsables locaux du Parti étaient comptables. Dans les fermes d’Etat (Sovkhozes), les salaires absorbaient l’essentiel du produit, aussi ce sont les coopératives (Kolkhozes) que les bolcheviks privilégièrent : ici, la rémunération du travail dépendait étroitement du respect du Plan. Comme les objectifs étaient rarement atteints, on permit aux kolkhoziens de compléter leur maigre revenu en travaillant pour leur propre compte sur un lopin de terre. Les revenus qu’ils en tiraient n’étaient pas taxés.
Ainsi, Staline et les bolcheviks sont-ils parvenus à tirer de l’économie soviétique de quoi financer leur mégalomanie : s’assurer le contrôle total de la société soviétique, faire de l’Union Soviétique une grande puissance militaire.

Mais si l’Union soviétique fut particulièrement efficace pour mobiliser des ressources productives, elle le fut beaucoup moins s’agissant de leur utilisation. Avec le temps, l’accumulation du capital se poursuivit mais la productivité globale des facteurs s’essouffla, puis se mit à diminuer.

Vint le moment où l’accumulation du capital et l’effort militaire ne pouvaient se poursuivre qu’au prix d’une stagnation des niveaux de vie de la population. Le modèle soviétique touchait à ses limites. Il reviendra à Gorbatchev d’en tirer les conséquences.

2. L’évolution du communisme et son héritage

Dans une économie planifiée, une fois les besoins sociaux définis, quantifiés et hiérarchisés, le Centre ne peut parvenir à une allocation satisfaisante des ressources que s’il dispose d’une multitude d’informations sur les fonctions de production de chaque entreprise. Ces informations sont obtenues au niveau de l’unité de production ; elles remontent ensuite les niveaux hiérarchiques de la structure bureaucratique. Les normes de production définies par le centre redescendent de la même façon jusqu’à la ligne de front de la production.

Dans ce système, comme dans le jeu du téléphone arabe, il y a forcément une importante déperdition d’informations, même avec la meilleure volonté du monde. Or, la bonne volonté fait souvent défaut. A chaque niveau de responsabilité, les chances d’avancement et les primes sont compromises si le supérieur était mis au courant de tel ou tel problème, ou si le plan n’était pas correctement exécuté. Chacun est dès lors incité à garder pour lui certaines informations, à surestimer les difficultés et à sous-estimer les possibilités.

Si bien qu’une fois centralisées toutes les informations, le planificateur est conduit à sous-estimer considérablement la capacité productive de l’économie, à allouer de façon trop généreuse les inputs et à fixer de façon trop laxiste les objectifs de production. Si donc l’économie soviétique a pu fonctionner sous Staline de façon relativement efficace, c’est que le Centre parvenait tant bien que mal à obtenir des informations à peu près correctes.
C’est la compétition bureaucratique qui explique qu’au final l’économie soviétique ait pu se montrer raisonnablement efficace. La marge de manœuvre de chaque bureaucrate est en effet contrainte par celle des autres bureaucrates.

Il y ceux qui se trouvent immédiatement au-dessus ou au-dessous dans la chaîne de commandement. Par exemple, le dirigeant d’une entreprise de construction ne manquera pas de faire savoir que les briques ont été livrées en retard, ou en quantité insuffisante, ou que leur qualité laisse à désirer. Si le directeur de l’entreprise de brique se défausse en renvoyant la faute au fournisseur de paille ou d’argile, ce dernier aura à cœur de faire savoir ce qu’il en est réellement. Un système d’arbitrage fut d’ailleurs institué pour résoudre ces disputes inter-entreprises : dans les années 1968-70, il traitait 700 000 affaires par an. Le consommateur final n’ayant pas la possibilité de se plaindre, c’est logiquement dans le secteur des biens de consommation que la qualité des produits laissait le plus à désirer.

Et il y a ceux qui se trouvent au même niveau de responsabilité. Par exemple, si le directeur d’une entreprise sous-évalue dans son rapport la productivité potentielle, ou tire un faible rendement des quantités d’inputs qui lui ont été alloués, il court le risque que le directeur d’une entreprise rivale se soit montré plus honnête ou plus performant. Le centre peut aussi mettre les entreprises en concurrence en leur demandant d’établir un devis prévisionnel et en récompensant les plus mieux-disantes.

Tout ceci reste vrai aussi longtemps que le système parvient à limiter la collusion entre les acteurs. Au temps du Stalinisme, la fréquence des purges et l’énormité des risques encourus suffisait à prévenir toute velléité de collusion. Mais dans un environnement stable, il n’en va plus de même.

La collusion bureaucratique

Compte tenu de la préférence des soviétiques pour les complexes gigantesques et de la structure oligopolistique de la production, le nombre des fournisseurs, des clients ou des concurrents d’une entreprise donnée a toutes chances d’être assez limité, réduisant d’autant les coûts d’organisation de l’action collective.

Dans le système soviétique, la collusion peut prendre deux formes. En premier lieu, dans chaque filière de production, fournisseurs et clients trouvent intérêt à s’entendre sur le dos du consommateur final. Ainsi, les entreprises du secteur des biens de consommation, moins contrôlées que les autres, confisquent une partie de leur production, qui finira sur le marché noir ou servira de monnaie d’échange avec les fournisseurs : les inputs supplémentaires obtenus permettront de produire un surplus de biens destinés aux employés ; l’essentiel finira inévitablement sur le marché noir, compte tenu de la pénurie de biens de consommation dans le circuit officiel. Ce système s’étend vers l’amont et peu à peu, toutes les entreprises y prennent part. Dans la mesure où, du directeur au manœuvre, tous les employés en tirent profit, cela tend à devenir la norme.

En second lieu, dans chaque branche de production, les dirigeants des entreprises trouvent intérêt à s’entendre sur le dos du Plan. Par exemple, le progrès technique permet ici ou là des gains de productivité que les managers se garderont de reporter en haut lieu. C’est autant de soustrait aux normes du Plan, autant de gagner pour rémunérer en nature ses travailleurs ou s’engager dans le troc interentreprises.

L’un dans l’autre, la collusion entre les managers des entreprises encourage la rétention d’informations et multiplie les distorsions, réduisant d’autant l’efficacité de l’allocation des facteurs de production par le planificateur.

En résumé, dans une économie planifiée, les acteurs décentralisés sont incités à jouer contre le système ; ils développent des formes particulières d’actions collectives, informelles et clandestines, dont le résultat est d’affaiblir considérablement la performance du système.

La loi et la corruption

L’intérêt élargi de l’autocrate l’incite à garantir autant que possible la loi et l’ordre. Dans une économie de marché, il doit certes faire face aux risques d’évasion fiscale, mais pour le reste, chacun ayant intérêt à surveiller son bien ou celui de son voisin, la tache de l’autocrate en est facilitée. Le vol et la corruption seront contenus. Mais dans une économie socialiste, la propriété privée n’existe plus, l’autocrate possède tout, et tout le monde a intérêt à voler le bien public.

Aussi longtemps que ceux qui contrôlent et collectent sont récompensés quand ils font bien leur travail, et dûment sanctionnés en cas de manquement, le système peut fonctionner convenablement. Mais vient le moment où se constituent de petits groupes dont les membres, ayant noué au fil du temps des relations de confiance, conspirent de concert contre l’autocrate. C’est à qui inventera la meilleure combine pour voler le plus possible et travailler le moins possible.

Il y a certes des limites : si le chef vole trop, ses subordonnés vont tiquer ; si le département A vole trop, le département B va tiquer... En réalité, la connaissance par les uns des forfaits des autres ouvre la voie à une répartition plus équitable du butin, donc à l’extension du forfait, pas à sa dénonciation. Petit à petit, une part croissante du produit social potentiel échappe à l’autocrate.

Bien sûr, le centre n’est pas dupe : une armée d’inspecteurs et de contrôleurs veille au grain. Mais si personne, sauf le centre, ne possède quoi que ce soit, et si personne, sauf le centre, n’a droit à la moindre part du butin, alors tout le monde, sauf le centre, est incité à voler, au besoin en intéressant les contrôleurs. Ces derniers vont alors s’efforcer de persuader leurs supérieurs que tout est OK, ou presque.

Seul un système de terreur, avec ses purges régulières dans la nomenklatura, a pu, un temps, prévenir la constitution de tels réseaux et leur élargissement à des secteurs entiers et des régions entières. Mais dans un système stabilisé, la corruption ne peut que se répandre. Vient le moment où il devient impossible d’acheter et facile de voler, où les gens finissent par penser que ne pas voler l’Etat, c’est voler sa famille.

A la différence de l’autocrate traditionnel, que son intérêt élargi incite à limiter sa prise, chacune de ces coteries, chacun de ces lobbies, n’obtient qu’une maigre partie du revenu social ; leur intérêt est trop restreint pour les inciter à prendre en compte le coût social de leurs prédations. Progressivement, la sclérose gagne le système, jusqu’à ce qu’il s’effondre.

3. Implications pour la transition

Partisans de la thérapie de choc et partisans du gradualisme s’accordent sur le diagnostic comme sur le remède. La transition serait le moment historique du passage d’une économie planifiée à une économie de marché, et comme la première repose sur la propriété collective des moyens de production et la seconde sur la propriété privée des moyens de production, l’essence de la transition tient dans le programme de privatisation.

Mais gradualistes et "choc thérapists" diffèrent sur le tempo de la transition, chacun résumant sa position avec une métaphore : les premiers expliquent qu’on ne demande pas à un malade relevant d’une pneumonie de courir le marathon, les seconds expliquent qu’on ne peut sauter par dessus un gouffre en deux temps. Pourtant, il se pourrait bien que le problème soit ailleurs.
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L’inflation galopante qui accompagna les premiers temps de la transition en fournit un indice. En première analyse, l’hyper-inflation tient au fait que la plupart des économies en transition ont connu des déficits publics massifs, persistants, et financés par la création monétaire. Mais ces déficits sont eux-mêmes le produit naturel de la sclérose du système.

On a vu que les acteurs jouaient contre le système : d’une façon ou d’une autre, ils parviennent à réduire leur contribution productive ou conservent pour eux une part toujours plus grande du produit social. Au fur et à mesure que le Centre s’appauvrit, il lui devient plus difficile de payer les pensions, les biens de consommation courante, les services publics...

En fait, dès l’époque de Gorbatchev, l’Etat soviétique était incapable d’assurer ces charges sans faire fonctionner la planche à billets ; il ne parvenait plus à lever assez d’impôts pour seulement financer les services publics de base (12). La principale explication de l’effondrement du communisme est là : l’Etat communiste avait implosé.

Avec la démocratisation, les lobbies et les cartels jusque là clandestins sont passés à l’action publique ouverte, réclamant pour leurs mandants toujours moins de prélèvements et surtout, davantage de subventions. Compte tenu de l’état de délabrement du système fiscal, les subventions ne purent être financées qu’avec encore plus de création monétaire. Le résultat, ce fut l’inflation ouverte et galopante.

Dépendant des subventions, les groupes de pression liés aux entreprises d’Etat s’opposent aux privatisations. Ces dernières s’accompagnent en effet de restructurations dramatiques, au cours desquelles des millions de travailleurs vont perdre leur emploi et leurs avantages – des pensions, des conditions de travail et des salaires meilleurs qu’ailleurs.

Pour comprendre à quel point les salariés de ces entreprises ont de bonnes raisons de s’inquiéter, une étude menée à l’époque dans l’ex-RDA est des plus instructive (13). Akerlof et al. ont recalculé la valeur ajoutée des entreprises est-allemandes travaillant à l’exportation, en estimant les inputs et la production aux prix du marché mondial. Ils ont découvert que seuls 8 % des travailleurs est-allemands produisaient des biens dont la valeur marchande couvrait au moins les coûts variables. Or, l’Allemagne de l’Est passait alors pour l’économie industrielle la plus avancée au sein du Comecon...

Les salariés des entreprises d’Etat ont donc de bonnes raisons de résister à la privatisation : dans la plupart des cas, leur entreprise devrait être en tout ou partie liquidée pour devenir compétitive sur le marché mondial. En fait, pour ces salariés, le régime de propriété importe moins que l’accès aux subventions. Si l’on résiste aux privatisations, c’est parce qu’elles risquent de faire perdre les subventions ; et si l’on échoue à éviter la privatisation, on continue à se battre pour le maintien des subventions.

Voilà pourquoi le problème de la transition, ce n’est pas le rythme de la privatisation, mais bien davantage le rythme de la liquidation.

A cet égard, le cas de la Russie contraste avec celui de la Chine. La révolution culturelle ayant détruit les élites chinoises, la mort de Mao ouvrait un espace à la réforme ; il fut relativement aisé à Deng, une fois liquidée la bande des quatre, de libéraliser graduellement l’économie. La logique de l’intérêt élargi de l’autocrate pouvait prévaloir sur les intérêts restreints des partisans du statu-quo. De même, les groupes de pressions allemands et japonais liés à l’ancien régime furent brisés par la défaite militaire de l’Allemagne nazi et du Japon, ouvrant la voie dans ces deux pays aux réformes libérales.

Au contraire, la Russie a hérité de l’ancien régime des entreprises publiques noyautées par des cliques intéressées au maintien du statu-quo, et indifférentes au bien public. Ces lobbies sont bien introduits dans les cercles du pouvoir et leur soutien est capital pour gagner les élections. De fait, la nomenklatura est parvenue jusqu’à présent à bloquer le processus de réforme et de liquidation de l’ordre ancien.

Résultat : la croissance économique ne fut pas au rendez-vous ; au contraire, les subventions considérables maintenues aux entreprises d’Etat alimentèrent l’inflation. Et la population fit savoir son mécontentement en votant pour des partis protestataires, permettant ici ou là l’ascension de partis fascistes et le retour en grâce des communistes, réduisant plus encore les chances des partis de la réforme.

Conclusion : Marché et Prospérité

Contrairement à une idée reçue, le marché se rencontre dans toutes les cultures. Mais, il y a marchés et marchés.

Certains marchés émergent spontanément et sont souvent irrépressibles. On parlera en ce cas de marchés spontanés (self-renforcing). Par contraste, d’autres marchés n’apparaissent que lorsque la société a pu se doter des institutions ad hoc. On parlera alors de marchés socialement construits (socially contrived).

(i) les marchés spontanés

Hérodote nous en offre un bon exemple. Cela se passe vers l’an 430 av. JC, quelque part sur les côtes de Mauritanie :

"Les Carthaginois nous parlent aussi d'une région de l'Afrique et de ses habitants, au-delà des Colonnes d'Hercule. Lorsqu'ils abordent sur ces rivages, ils déchargent leurs marchandises et les disposent sur la plage. Puis ils regagnent leurs bateaux et émettent un signal de fumée. Lorsque les indigènes aperçoivent la fumée, ils descendent jusqu'à la plage, placent à côté des marchandises une certaine quantité d'or qu'ils proposent en échange, puis ils se retirent. Les Carthaginois débarquent à nouveau et examinent l'or. S'ils jugent que sa valeur correspond à celle des produits offerts, ils l'emportent et mettent à la voile. Sinon, ils remontent à bord et attendent que les indigènes aient apporté suffisamment d'or pour leur donner satisfaction. Aucune des parties ne trompe l'autre ; jamais les Carthaginois ne touchent l'or tant que la quantité offerte n'a pas atteint la valeur correspondant à leurs marchandises. De leur côté, les indigènes ne touchent pas aux marchandises tant que les Carthaginois n'ont pas emporté l'or."

Evidemment, il n’y a ni culture commune, ni institutions susceptibles d’encourager le commerce entre les protagonistes. Et pourtant, un échange a bien lieu, et suffisamment souvent pour qu’un rituel de marchandage ait pu s’établir. Vraisemblablement, les deux parties trouvant intérêt à ce commerce silencieux, chacune faisait en sorte qu’il se poursuive sans histoires.

De même, un marché a pu apparaître spontanément dans les camps de concentration, ou encore entre soldats d’armées ennemis. De tels marchés sont souvent irrépressibles. L’économie soviétique, où le marché était en principe interdit, en fournit maints exemples.

Supposons que le planificateur ait alloué à l’entreprise 1 plus d’inputs B qu’il ne lui en faut, et à l’inverse mal doté l’entreprise 2 : celle-ci reçoit trop d’inputs A et pas assez d’inputs B. Evidemment, les managers des deux entreprises font savoir en haut lieu qu’ils ne reçoivent pas assez d’inputs et que le plan ne pourra jamais être atteint dans ces conditions. Aussi le planificateur a-t-il tendance à penser que tous lui racontent des histoires. Résultat : pour chaque type d’inputs, il y aura toujours des entreprises bien dotés et d’autres mal dotés.

Les managers sont alors incités à échanger secrètement leurs surplus les uns contre les autres, augmentant ainsi les capacités de production de chacun. Ce type de troc était si courant en URSS que chaque grande entreprise avait ses tolkachs, des commis expéditionnaires dont le travail consistait à trouver des clients pour les surplus de l’entreprise, et des fournisseurs pour remédier à ses pénuries d’inputs.

Le troc concernait aussi les biens de consommation. Qui avait profité d’un arrivage de robes ou volé des essuie-glaces pouvait obtenir grâce à cela du café ou de la viande. Comme ces marchés étaient indispensables au bon fonctionnement du système, le centre était réduit à fermer les yeux.

Ainsi, des marchés apparaissent spontanément partout, souvent de façon irrépressible.

(ii) les marchés socialement construits

Soit un jeune homme entreprenant, plein de bonnes idées mais dépourvu de moyens pour les réaliser. Au même moment, des personnes âgées et riches disposent de capitaux en quête de bons placements. Dans la mesure où les capacités entrepreneuriales du premier permettraient aux seconds de gagner de belles rentes, ils ont intérêt à ce que le projet voit le jour, donc à le financer – que ce soit sous forme d’un prêt à intérêt ou d’un apport de fonds propres avec constitution de société.

Supposons maintenant que le projet du jeune consiste en un projet industriel amortissable sur vingt ans. Les apporteurs de capitaux n’accepteront de s’engager qu’à deux conditions.

Hors les risques inhérents à l’entreprise, les vieux veulent être certains que le jeune entrepreneur paiera en temps et en heure le prix convenu, qu’il s’agisse de rembourser le prêt, de verser les intérêts ou les dividendes. En somme, le contrat passé entre les parties doit être respecté. Cela suppose des droits clairement définis par la loi et des institutions garantes du bon respect des obligations contractuelles : des lois prévoyant les droits des actionnaires et ceux des créanciers, des tribunaux de commerce pour dire le droit, et des forces de police pour mettre à exécution les décisions de justice.

Ensuite, le capital engagé doit pouvoir être récupéré en cas de besoin. Cela suppose l’existence d’un marché secondaire du capital où les actions et les créances pourront être revendues. Sans quoi les projets à longue maturité ne trouveraient jamais de financement : « à long terme, nous serons tous morts ».

Pour réaliser tous les gains possibles de l’échange, il faut donc un ordre juridique et politique qui protège les droits de propriété, garantisse la bonne exécution des contrats, institue les sociétés par actions et le système des hypothèques, et permettent une meilleure liquidité des engagements financiers en facilitant le refinancement sur les marchés des capitaux.

Sans de telles institutions, une société devrait se contenter des marchés spontanés ; elle ne pourrait développer des activités et des échanges complexes impliquant la coopération de multiples acteurs et/ou des contrats à obligations différées – comme l’assurance, la banque – et plus généralement toutes activités de production intensive en capital, c’est-à-dire en droits de propriété.

(iii) les droits individuels comme source de la prospérité

Personne ne peut prédire l’avenir, mais les sociétés où l’on permet au plus grand nombre d’entrepreneurs de parier sur l’avenir s’ouvrent plus d’options que les autres. Par chance, certains de ses paris se révèlent gagnants, pour le plus grand bien des entrepreneurs qui les ont tentés et de ceux qui les ont financés, mais aussi pour le plus grand bien de la collectivité.

En effet, dans une véritable économie de marché, les prix reflètent l’utilité marginale des consommateurs. Si à un moment donné, certaines entreprises réalisent des super-profits, c’est que leur offre répond mieux que d’autres aux besoins du public. Le profit de l’entrepreneur est la contrepartie de la satisfaction du consommateur.

Si donc les prix ont un sens, ils indiquent qu’une activité à forte profitabilité privée est aussi une activité à forte profitabilité sociale. Taxer des entreprises rentables pour maintenir artificiellement en vie des entreprises non rentables n’est donc pas une opération blanche. Le produit social serait augmenté si la société tolérait que les ressources soient réallouées des activités non rentables vers les activités rentables.

Le libre jeu des prix favorise précisément ce type d’ajustement : le capital et le travail chercheront à s’employer là où la rémunération des facteurs de production est la plus élevée, i.e. où les prix relatifs sont les plus élevés : dans les activités socialement utiles.

Dans ces conditions, une société rationnelle et humaniste devrait limiter la redistribution aux seuls individus pauvres et malchanceux. Dans les démocraties libérales, des systèmes d’assurance, qu’ils soient privés ou publics, permettent de compenser dans une certaine mesure le dommage des travailleurs malchanceux avec les primes et cotisations prélevées sur les travailleurs plus chanceux. C’est indispensable pour atténuer le coût social de la destruction créatrice. Mais autre chose est de subventionner les entreprises non rentables sous prétexte de préserver l’emploi.

Nous pouvons à présent répondre à la question : qu’est-ce qui explique que certaines nations soient devenues riches alors que tant d’autres sont restées pauvres ? A quelles conditions un pays peut-il espérer passer d’une misérable économie de bazars à une économie où le marché devient une corne d’abondance ?

La première condition, c’est que les droits individuels soient bien définis et bien protégés. Loin d’être un luxe de riches, les droits individuels sont à l’origine de la richesse des nations. En particulier, une économie de marché ne donnera son plein rendement que si tous les acteurs économiques ont l’assurance que les obligations nées des contrats s’imposent aux parties sous peine de sanctions, et que leurs droits de propriété sont clairement définis et protégés. Ces droits résultent d’arrangements sociaux et l’Etat est leur garant.

Sans cela, les gens peuvent bien posséder certaines choses, dans le sens où un chien possède un os – avec le risque d’en être promptement dépossédé par un autre chien, plus gros ou simplement plus méchant. Mais il n’y a de propriété qu’à partir du moment où la société défend et protège effectivement le droit de propriété des individus face aux autres individus, et au besoin face à l’Etat. Une condition que Madison a résumée ainsi : "Just as a man may be said to have a right to his property, so he has a property to his rights".

La deuxième condition, c’est l’absence de prédation de quelque sorte que ce soit. La « guerre de tous contre tous » ou les spoliations de l’autocrate sont exclues là où les droits individuels sont protégés.

Las ! il existe un autre type de prédation, que l’on trouve jusque dans les démocraties les plus avancées. C’est la prédation exercée par les groupes d’intérêts lorsqu’ils obtiennent des droits ou des avantages particuliers aux dépens de la masse inorganisée et mal informée, ou lorsque, par collusion ou cartellisation, ils parviennent à imposer des prix ou des salaires supérieurs aux prix du marché.

Toutes les sociétés qui ont satisfait à ces conditions ont prospéré. On les rencontre généralement dans les démocraties respectueuses des droits de l’individu, et dont les institutions font dépendre les décisions politiques de l’intérêt élargi de la majorité.

Aujourd’hui, nos démocraties souffrent de l’action néfaste des groupes d’intérêts, mais un mal que l’on peut comprendre devrait pouvoir être évité. Pour peu que les économistes y mettent suffisamment de cœur et de conviction, il est possible de vaincre l’ignorance rationnelle du public ou, à tout le moins, d’éclairer les élites quant à la nécessité de résister aux sirènes des lobbies, ce mal sournois des sociétés démocratiques.

Notes
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(1) L’auteur n’a malheureusement pas eu le temps d’y mettre la touche finale. Les deux autres chefs d’œuvre d’Olson sont "La logique de l’action collective" (1965, traduit aux Puf Sociologies, 1978) et "The rise and decline of nations" (Yale UP 1982).

(2) Citons Jared Diamond : De l’inégalité parmi les sociétés (Nrf, 2000) ; David Landes : Richesse et Pauvreté des Nations (Flammarion 2000) ; Eric Jones : European Miracle (Cambridge UP, 1981) ; Hernando de Soto : Le mystère du capital (Nouveaux horizons, 2002) ; Douglas North et Robert Thomas : The rise of the western world (Cambridge UP, 1973)...

(3) Cf. mon blog: La grande transformation

(4) Sur la démocratie et ses bienfaits, cf. l’épatant "On democracy" de Robert Dahl - Yale UP, 1998.

(5) Cf. le numéro d’anniversaire de The Economist et le dossier "Capitalism and Democracy", 26 juin 2003.

(6) Alexis de Tocqueville, 5 novembre 1843. Correspondance anglaise, vol. III, Oeuvres complètes, tome VI, Gallimard 2003, p. 78-79 (reproduit in Commentaire, été 2003)

(7) Olson emprunte cet exemple à James Sheridan : Chinese Warlord – The career of Feng Yu-Hsiang. Stanford UP, 1966

(8) Les nations qui ont prospéré sont celles dont le gouvernement était en quelque sorte le fidéicommissaire de la bourgeoisie, la classe la plus directement intéressée à la croissance économique. "Un gouvernement qui ne serait pas dédié aux groupes directement intéressés à la croissance risque de se muer tôt ou tard en un racket de redistribution et de protection, avec un horizon généralement court-termiste". Bradford Delong, CR de David Landes: Richesse et pauvreté des nations.

(9) Ronald Coase : The problem of social cost, J. of Law and Economics, vol. 3, oct. 1960. Récemment traduit en français : L'entreprise, le marché et le droit aux Editions de l'Organisation, 2005

(10) l’état naturel de l’humanité primitive, ou l’état actuel de certaines nations africaines

(11) Pour une analyse brillante du phénomène dans les pays socialistes, cf. Andrei Schleiffer et Robert Vishny : The grabbing hand – Government pathology and their cures, Harvard UP, 1999.

(12) Si l’inflation survient lorsque "too much money is chasing not enough goods", il n’en va pas de même dans l’économie soviétique, où les prix officiels sont fixés par le planificateur. En ce cas, l’ajustement de l’offre et de la demande s’opère au moyen du rationnement et du marché noir. La pénurie prévaut dans le circuit officiel ; l’inflation s’exprime sur le marché libre.

(13) George Akerlof et al. : East Germany in from the Cold – Brooking papers on economic activity, 1, 1991, p. 1-87

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