16 mai 2006

L'énigme du suicide et de la fracture sociale

Si l'on suit Durkheim, le taux de suicide est un indicateur de la capacité d'intégration et de régulation d'une société. En règle générale, observait le grand homme, ce taux ne varie pas si la société ne change pas. Si, en revanche, ce taux évolue régulièrement au fil des ans, c'est que quelque chose dans la société est en train de changer.

Justement, notre société a beaucoup changé depuis trente ans, avec en particulier la montée de l'insécurité sociale. La société française intègrant de moins en moins bien ses membres, on devrait assister à une hausse significative des taux de suicide, notamment chez les jeunes. De fait, c'est bien ce que l'on observe jusque vers 1985. Mais depuis, une toute autre évolution se dessine.

Les dernières données publiées par la DREES montrent qu'après contrôle de l'âge (pour éliminer l'effet du vieillissement démographique), le taux de suicide a baissé continument en France depuis son pic de 1985 (23 pour 100 000) : il est tombé à 17 pour 100 000 en 2002, soit moins qu'en 1979 (20 pour 100 000) ! Mieux, c'est chez les jeunes (15 - 35 ans) que la baisse est la plus marquée !

Source: Suicides et tentatives de suicide en France, Etudes et Résultats, Mai 2006 (pdf)
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Qu’est-ce à dire : Durkheim se serait-il trompé ? Les discours sur "la génération sacrifiée" et la fracture sociale seraient-ils construits sur du vent ? Toutefois, la lecture de The Economist du 15 juin suggère une troisième possibilité :

The Economist, Suicide and antidepressants, June 15th 2006
cf. l'étude originale ici (pdf).

Note: la fluoxétine est un médicament anti-dépresseur, plus connu sous son nom de marque (Prozac), mis sur le marché en 1988. Si l’on en croit les quelques études épidémiologiques sur le sujet, la dépression serait impliquée dans près d’un suicide sur deux.

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ps: cependant, les taux français restaient, en 2002, plus élevés que ceux observés dans les pays anglo-saxons, latins et scandinaves : Cf. Les taux de suicide dans l'OCDE

1 commentaire:

É a dit…

« Ps : cependant, les taux français restaient, en 2002, plus élevés que ceux observés dans les pays anglo-saxons, latins et scandinaves »... mais bien moins élevés que dans des pays socialement plus homogènes — si l'on parle en terme de répartition des revenus dans la société — tels la Finlance ou le Japon.