27 mai 2006

Bacheliers sublimés

En 1969, Laurence Peter et Raymond Hull portaient sur le lycée américain un diagnostic qui vaudrait aujourd'hui pour le lycée français. Pour éviter de multiplier les redoublements, les lycées américains usaient et abusaient d’une technique : la "sublimation percutante". En clair, les élèves parvenus à leur "niveau d'incompétence" étaient tout bonnement "renvoyés vers le haut" (sublimés).

Les résultats définitifs de la session 2005 du baccalauréat, publiés le 16 Mai 2006, illustrent bien la "régression hiérarchique" de notre système scolaire (*). Pour les séries générales (L, ES, S), le taux de réussite a atteint le niveau record de 84,3 %, dont 33 % avec mention !

Encore ce taux minore-t-il les chiffres réels de réussite des élèves sous statut scolaire. Hors candidats libres (individuels, Cned) et lycées hors contrat, le taux de réussite réel ressort en effet à 85,6 % !

Nb: Le calcul est le suivant : les candidats libres et issus des lycées hors contrat représentaient 3,6 % des candidats au Bac général et avaient un taux de réussite moyen de 50 % (chiffres de 2003). Le taux de réussite des élèves des lycées sous-contrat ressort donc à : (84,2 - 1,8) / 96,4 = 85.5 %.

Extraits du Principe de Peter

Un administrateur m'a dit : "J'aimerais pouvoir faire passer tous les cancres et recaler les intelligents ; ainsi le niveau serait haussé et les classes progresseraient. Ce stockage de cancres abaisse le niveau en réduisant la moyenne de mon école". Une politique aussi paradoxale ne sera certainement pas admise. Donc, pour éviter l'accumulation des incompétents, les administrateurs ont imaginé de promouvoir tout le monde, les incompétents comme les compétents ! Ils justifient psychologiquement cette idée en disant que cela évite aux enfants d'être traumatisés par l'échec. En fait, ils appliquent la sublimation percutante aux élèves incompétents. Le résultat de cette sublimation en gros, c'est que la classe terminale du lycée représente aujourd'hui le même niveau intellectuel que la classe de seconde d'il y a peu de temps. (...) C'est ainsi que les certificats et les diplômes perdent leur valeur en tant qu'étalons de compétence. Avec l'ancien système nous savions qu'un élève qui ne "passait" pas en cinquième avait dû être au moins compétent en sixième. Nous savions que l'étudiant qui échouait en première année d'université avait dû être au moins un bon élève de lycée, etc. Mais à présent, c'est fini. Le diplôme moderne prouve simplement que l'élève a eu la compétence de supporter un nombre donné d'années d'études. J'appelle ce phénomène la régression hiérarchique. (...)
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La régression hiérarchique dans l'enseignement est provoquée par une sublimation percutante massive des élèves qui, autrefois, auraient eu droit à l'échec...

Laurence J. PETER et Raymond HULL : Le Principe de Peter, 1969.

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