24 avr. 2006

Et leurs enfants après eux

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Louons maintenant les grands hommes, et nos pères qui nous ont engendrés. (...) Il en est parmi eux qui ont laissé un nom après eux, afin que soient rapportées leurs louanges, et il y en a dont le souvenir ne s'est pas perpétué ; qui périrent, comme s’ils n’avaient jamais été ; et sont devenus comme s'ils n’étaient jamais nés ; et leurs enfants après eux.
L’Ecclésiastique

1936: Louons maintenant les grands hommes

La revue américaine Fortune envoie le journaliste James Agee faire un reportage sur la condition des métayers de coton en Alabama. Il est accompagné du photographe Walker Evans qui travaille pour la Farm Security Administration, dont le but est de montrer les conséquences de la dépression et d’ainsi promouvoir le New Deal de Roosevelt.

Margaret Ricketts à 20 ans (photo: Walker Evans)


« Margaret rêve d'un mari, d'une terre fertile, des dames qui le long de promenades se font un signe de tête. »

« On parle des enfants Ricketts en termes péjoratifs (...) Leurs vêtements et leurs chaussures font d'eux la risée de la plupart des enfants. Ils viennent d'une famille marquée : pauvre même parmi les pauvres Blancs, et qu'on regarde de haut. (…) Les deux filles semblent marquées pour subir incompréhension et mauvais traitements, à un point d'une cruauté mal imaginable ».

James Agee, Walker Evans, Louons maintenant les grands hommes, Terre Humaine.

1986: Et leurs enfants après eux

Cinquante ans après, la revue Fortune demande au reporter Dale Maharidge et au photographe Mickael Williamson de retourner sur les lieux. Celui-ci montre « comment les gens changent et d'autres pas. Comment certains ont persévéré pour finir en contemplant leurs mains usées par toute une vie de labeur, sans comprendre ce qui leur est arrivé... ».
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Margaret Ricketts, à 70 ans (photo: Mickael Williamson)


« Margaret vient à notre rencontre. Les gencives brillantes parsemées de chicots noirs, pieds nus, les ongles fendus et déchiquetés, un doigt dans le nez... Dans la chambre de son fils, à côté du lit posé sur des cageots, une bassine pleine de liquide, de l'urine. Il n'y a pas de sanitaires... La salle à manger comprend un poêle à bois, seule source de chaleur. A côté, une télévision couleurs, des fleurs en plastique couvertes de poussière, des fioles de médicaments... Sur les murs, sept portraits de Jésus et les photos faites par Walker Evans de ses parents. Margaret et son fils, qui vivent totalement reclus, n'ont jamais eu une « bonne vie ». Parlant de sa condition elle dit : "Je suis riche-pauvre. J'ai mon fils. J'ai ma Bible. Je n'ai besoin de rien d'autre". » (traduction et photo parues autrefois dans L'Autre Journal).

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Nb : toutes les photos d'Evans pour la FSA (not. celles publiées dans Louons maintenant les grands hommes) sont disponibles ici. En 2005, un journaliste de Fortune est revenu sur les lieux : cf. son reportage.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour

Vous citez le passage de l'Ecclésiastique (Siracide) à partir du chapitre 44. Pour autant, cette très belle citation n'est pas la traduction stricto sensu de la litanie orginale. On la retrouve aussi dans l'introduction d'un reportage de France 5 sur l'oeuvre d'Agee. Est-ce Agee lui-même qui a écrit cette citation ou l'avez-vous recueillie à partir d'une autre source ?