22 avr. 2013

Pourquoi l’austérité ne peut attendre



Il n'existe pas de seuil universel et automatique au-delà duquel un pays bascule dans une situation de crise budgétaire. Tout dépend du pays, de la qualité de ses institutions, de la crédibilité de sa gouvernance, de la part de la dette détenue à l'étranger, du patrimoine de l'Etat et de sa capacité à lever plus d'impôts, de sa capacité à émettre la monnaie dans laquelle est libellée la dette, ... Pour ces raisons, l'Argentine a connu une crise budgétaire fatale avec un ratio d'endettement public inférieur à 60 % du PIB, alors que le Japon peut soutenir une dette publique nette supérieure à 140 % du PIB. La Grèce, longtemps protégée par l'euro, est entrée en crise à partir d'un ratio d'endettement de 120 % du PIB. Le problème pour la France et les autres Etats très endettés, c'est d'éviter de reproduire ce type d'expérience. Or, le meilleur moyen de conjurer une crise budgétaire, c'est encore de ne pas y entrer.

C’est pourquoi il n’y a guère d'alternative crédible à la rigueur actuelle. Tout au plus peut-on chercher à limiter la casse et à faire d'un mal un bien. A cet effet, les économistes libéraux préconisent d'ajuster graduellement les dépenses publiques, sans accroître la fiscalité, et de procéder sans tarder aux réformes structurelles, pour booster la croissance potentielle (cf. mon message précédent). Pour autant, le pays ne fera pas l’économie d'une récession. Dans le contexte actuel (taux d’intérêt au plancher, demande extérieure atone), une consolidation budgétaire, même bien menée, même accompagnée de réformes structurelles, est nécessairement récessive à court terme. Les pays baltes ou l'Irlande en ont fait l'expérience. Le pari est ici qu'à moyen terme, le pays vertueux renouera durablement avec une croissance forte. La dette stabilisée, la politique budgétaire ne sera plus un frein à l'activité ; et grâce aux réformes structurelles, la croissance potentielle sera plus élevée.

En regard de ce pari, somme toute raisonnable, les alternatives keynésiennes paraissent infiniment plus aventureuses. Avec l'ajustement structurel, on est en terrain relativement familier. Mais, avec les thèses keynésiennes, l'incertitude est considérable.

Les keynésiens de gauche ne veulent ni de la rigueur, ni des réformes structurelles, qu'ils jugent antisociales. La rigueur serait en outre inefficace : la récession réduit les recettes fiscales, compromettant les objectifs de réduction du déficit public. Un nouveau tour de vis budgétaire est requis, aggravant encore la récession. A les entendre, pour sortir de ce cercle vicieux, il faudrait faire tout le contraire : le déficit doit augmenter ! Même sans parler de relance, laissons au moins jouer les stabilisateurs automatiques. Il sera toujours temps plus tard de remettre de l’ordre dans les finances publiques, quand la croissance sera de retour. Que penser de ce scénario alternatif ?

Supposons que le Gouvernement français applique ce type de remède keynésien, comme préconisé sur sa gauche. La croissance redevient positive, mais la dette publique continue de croître. Cinq ans plus tard, l'écart récessif est comblé, mais le déficit public est encore à 5 % du PIB, et le taux d'endettement public atteint désormais 110 % du PIB. Faute de réformes structurelles, la croissance potentielle est molle (disons 1,5 %). Avec le retour de la croissance mondiale, les banques centrales ont mis un terme aux politiques de quantitative easing ; sur le marché obligataire, les taux sont revenus au niveau de 5 % pour les emprunts à 10 ans, ce qui correspond à un taux d'intérêt réel de 3 %, raisonnable pour une note AA. La crise passée, l'Etat français peut désormais s'atteler à stabiliser la dette publique (en % du PIB). Mais, pour cela, il doit faire apparaître un excédent primaire de 1,65% du PIB = (r - g) x (Dette / PIB) = (3 - 1,5) x 110 %. Compte tenu de la charge de la dette (entre 4 et 5 %), cela signifie qu'il doit ramener le déficit public en deçà de 3 % du PIB. Partant d'un niveau de 5 %, l'ajustement budgétaire requis atteint 2 % du PIB, du même ordre que celui demandé au gouvernement actuel. Autrement dit, surseoir à l'austérité est parfaitement possible, mais c'est reculer pour mieux sauter.

Avec le risque de voir le gouffre s’élargir d’ici-là… D’une part, le niveau de la dette est désormais plus élevé (+ 20 points), ce qui expose l'Etat à une prime de risque plus élevée si les marchés perdent confiance. L'ajustement budgétaire requis en serait accru d'autant. D’autre part, en l'absence de réformes structurelles, les problèmes de compétitivité ne sont pas réglés. L'augmentation de la dette publique conduit alors à un besoin de financement accru de la nation, et l'augmentation de la charge de la dette à un prélèvement accru sur le revenu national (d'un montant à peu près équivalent à celui de l'ajustement budgétaire).

Mon sentiment est que, demain comme aujourd'hui, la réponse des keynésiens sera toujours qu'il est urgent d'attendre. L'important pour eux sera toujours d'éviter la récession. Jusqu’au moment où le pays n’a plus le choix. Le fardeau de la dette devient trop lourd, les marchés se défient, les taux grimpent, aggravant la charge de la dette. C’est la crise budgétaire classique. On a voulu éviter la rigueur et la récession, on récolte dix ans d’austérité et une violente dépression. Alternativement, l'Etat peut choisir de faire défaut sur sa dette, mais cela exposerait nos banques et nos investisseurs institutionnels à des faillites en cascade. Les épargnants seraient plumés, et l'économie connaîtrait un gigantesque credit crunch. Là encore, le pays connaîtrait une grave dépression.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

dans ce monde merveilleux des anticipations rationnelles, on ne voit pas la misère se développer depuis très longtemps.Alors vouloir réduire encore les dépenses sociales, pourquoi pas? Mais permettez moi de vous dire que vous devriez un peu voir la réalité de nombreuses personnes. Le problème n'est pas pour elles d'anticiper ou pas, c'est de remplir le frigo, de tenir jusqu'à la fin du mois. Des discours de madame merckel sur l'europe (ancienne ingénieure de formation)ne m'intéressant pas. C'est du bon sens à la petite semaine que dénonçait déjà keynes dans les cris de cassandre.

Bref un monde merveilleux pour ceux qui sont en haut. Votre texte est insupportable pour ceux d'en bas et les mets très très en colère

Anonyme a dit…

réformes structurelles? lesquelles? pour qui?

ps : vous semblez ignorer la belle pensée ce certains sophistes