La moyenne monte, mais tout le monde descend !
En 1995, on pouvait lire dans L’Evénement du Jeudi: « L’annonce de l’augmentation de plus de 10 % du revenu agricole pour l’exercice 1995 ne manquera pas de susciter l’agacement d’autres catégories professionnelles financièrement malmenées ces temps-ci. » Certes, le journaliste nuançait peu après son affirmation : « cette hausse n’est qu’une moyenne nationale et cache de fortes disparités. » Mais le lecteur n’en pensait pas moins que, puisque le revenu moyen avait augmenté, bon nombre de paysans, sinon la plupart, avaient du voir leur revenu progresser.
Et si ce n’était pas le cas ? Serait-il possible que le revenu moyen ait augmenté et que tous les revenus aient baissé ?
Lisons la suite de l'article: « En revanche, les petites exploitations perdent encore de l’argent et, cette année, 40 000 agriculteurs quitteront définitivement les champs, alors que seulement 7 000 jeunes viendront s’y installer. » Evidemment, ce sont les petites exploitations qui ont disparu, donc les petits revenus. Le nombre d’exploitations agricoles a été divisé par quatre depuis cinquante ans (2 307 mille en 1955 à 590 000 en 2003. Corrélativement, la part des exploitations de plus de 50 ha a fortement augmenté, passant de 4 % du total en 1955 à plus de 30 % en 2000.
De même qu’un professeur gonfle artificiellement la moyenne de la classe en faisant cadeau à chacun de la plus mauvaise note, de même le revenu moyen progresse quand les petits revenus disparaissent ! Et cela, quand bien même tous les revenus auraient baissé !
En 1995, on pouvait lire dans L’Evénement du Jeudi: « L’annonce de l’augmentation de plus de 10 % du revenu agricole pour l’exercice 1995 ne manquera pas de susciter l’agacement d’autres catégories professionnelles financièrement malmenées ces temps-ci. » Certes, le journaliste nuançait peu après son affirmation : « cette hausse n’est qu’une moyenne nationale et cache de fortes disparités. » Mais le lecteur n’en pensait pas moins que, puisque le revenu moyen avait augmenté, bon nombre de paysans, sinon la plupart, avaient du voir leur revenu progresser.
Et si ce n’était pas le cas ? Serait-il possible que le revenu moyen ait augmenté et que tous les revenus aient baissé ?
Lisons la suite de l'article: « En revanche, les petites exploitations perdent encore de l’argent et, cette année, 40 000 agriculteurs quitteront définitivement les champs, alors que seulement 7 000 jeunes viendront s’y installer. » Evidemment, ce sont les petites exploitations qui ont disparu, donc les petits revenus. Le nombre d’exploitations agricoles a été divisé par quatre depuis cinquante ans (2 307 mille en 1955 à 590 000 en 2003. Corrélativement, la part des exploitations de plus de 50 ha a fortement augmenté, passant de 4 % du total en 1955 à plus de 30 % en 2000.
De même qu’un professeur gonfle artificiellement la moyenne de la classe en faisant cadeau à chacun de la plus mauvaise note, de même le revenu moyen progresse quand les petits revenus disparaissent ! Et cela, quand bien même tous les revenus auraient baissé !
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Sources : l'exemple est pris chez Sylviane GASQUET, Plus vite que son nombre, Seuil, 1999. Les données viennent de L'agriculture française depuis cinquante ans (pdf), in L'agriculture, nouveaux défis - Insee-Références, 2007
On peut représenter graphiquement ce qui s’est passé :
Sources : l'exemple est pris chez Sylviane GASQUET, Plus vite que son nombre, Seuil, 1999. Les données viennent de L'agriculture française depuis cinquante ans (pdf), in L'agriculture, nouveaux défis - Insee-Références, 2007
On peut représenter graphiquement ce qui s’est passé :
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Moralité : quand on s'intéresse à l’évolution de la moyenne, il ne faut jamais perdre de vue que, dans le calcul de la moyenne, l’effectif de la population est la donnée de base. « C’est par lui qu’on divise la masse globale des revenus, écrit Sylviane Gasquet. Et, chaque fois qu’un diviseur diminue, le résultat gonfle ! » (Plus vite que son nombre, Seuil, 1999)
Un lycée peut ainsi voir progresser le taux de réussite au baccalauréat, juste en sélectionnant davantage les candidats. Auparavant, il présentait 300 candidats, dont 210 étaient reçus. Désormais, il ne présente plus que 240 candidats, dont 200 sont reçus. Le nombre de reçus a diminué, mais le taux de réussite a augmenté : il est passé de 70 à 80 %. Le proviseur de cet établissement a compris que la façon la plus simple d’augmenter un rapport, c’est encore de réduire le dénominateur ! (Source : Gasquet, op. cit.)
Un lycée peut ainsi voir progresser le taux de réussite au baccalauréat, juste en sélectionnant davantage les candidats. Auparavant, il présentait 300 candidats, dont 210 étaient reçus. Désormais, il ne présente plus que 240 candidats, dont 200 sont reçus. Le nombre de reçus a diminué, mais le taux de réussite a augmenté : il est passé de 70 à 80 %. Le proviseur de cet établissement a compris que la façon la plus simple d’augmenter un rapport, c’est encore de réduire le dénominateur ! (Source : Gasquet, op. cit.)
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Inversement, on peut imaginer que tout le monde voit son revenu augmenter alors même que le salaire moyen stagne ! Comment est-ce possible ? C’est ce qui s’est passé aux Etats-Unis depuis 30 ans. Le salaire net horaire moyen est aujourd’hui inférieur à son niveau de 1975. Quant au salaire net horaire médian, il a augmenté de moins de 10 % sur la période :
L’évolution des salaires réels aux Etats-Unis (en $ 2005)
D’abord, il faut voir que ces données excluent les « benefits » -- cotisations d’assurance maladie, de pensions qui ont très fortement augmenté sur la période --, et que le déflateur retenu par le BLS surestime fortement la hausse des prix par rapport au déflateur du BEA, plus exhaustif (cf. Has Middle America Stagnated? - The Region). Mais, même si ces données étaient irréprochables, il est néanmoins possible que la plupart des salariés américains aient bénéficié de fortes hausses du pouvoir d’achat. En raison du dynamisme de leur économie, les Etats-Unis ont pu accueillir une part de la misère du monde, not. hispanique. Du fait de la forte immigration, un quart des américains pauvres (23,4 % exactement en 2004) est constitué d'immigrés récents (de la première génération) qui, avant d'entrer aux Etats-Unis, étaient infiniment plus pauvres encore (Census, 2005). Résultat : il est parfaitement possible que tous les travailleurs aient vu leurs salaires augmenter, quand bien même le salaire net moyen aurait baissé ! On peut représenter ce qui s’est passé avec le graphique ci-après :
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