10 févr. 2006

La fuite des cerveaux

Si l’immigration est relativement bien connue (*), il n’en va pas de même de l’émigration. Ceux qui dénoncent la fuite des cerveaux sont incapables d’avancer le moindre chiffre précis.

Au vu des chiffres du Ministère des affaires étrangères, le nombre d’expatriés français a fortement augmenté depuis dix ans. Le nombre d’immatriculés dans les consulats français est ainsi passé de 898 500 à 1 252 000 entre 1995 et 2004 (+ 39 %). La hausse atteint 49 % pour les Etats-Unis (105 000), 71 % pour le Canada (62 000 immatriculés), 84 % pour le Royaume-Uni (95 000), 206 % pour l’Irlande (6 000), 44 % pour Israël (43 000). (**)

Malheureusement, cette statistique a de graves insuffisances. Comme l’écrit l’Insee, « pour être immatriculé, il faut résider plus de six mois et être en situation régulière dans le pays d’accueil. Des Français résident dans le pays sans s’immatriculer, des Français immatriculés quittent le pays sans le signaler au consulat…Cette statistique ne fournit donc pas un décompte complet de la communauté française résidant à l’étranger. » (***)

Si l’on veut des chiffres fiables, le mieux est de se tourner vers les statistiques d’immigration des pays destinataires. Ces données sont disponibles en lignes, mais, curieusement, personne n’a songé à les consulter !

Les rapports du Home Office britannique montrent ainsi que le nombre d’expatriés français travaillant au Royaume-Uni a fortement augmenté depuis vingt ans (tableau 1).

Les chiffres des services américains de l’Immigration sont d’interprétation plus délicate, l’émigration vers ce pays étant étroitement contingentée et réglementée. Malgré cela, la part des français parmi les immigrants d’Europe occidentale a plus que doublé en vingt ans (tableau 2).
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Qui plus est, l’émigration française se distingue par la nature de ses motivations. En 2001, 42 % des immigrants français ont fait valoir la préférence pour l’emploi (vs les motifs familiaux ou politiques), contre 29 % en moyenne pour les autres immigrants d’Europe occidentale. (****)

A côté des Immigrants (qui bénéficient d’un droit de résidence permanent), l’administration américaine distingue les travailleurs temporaires relevant du statut H1B (des spécialistes - dans le cas français, il s’agit pour un quart d’informaticien, pour moitié de cadres d’entreprises), les salariés expatriés des firmes multinationales, les exchange visitors (venus dans le cadre d’un programme d’études, de recherche ou d’enseignement). Environ 50 000 français vont ainsi chaque année travailler aux Etats-Unis, soit environ 14 % des non immigrants en provenance d’Europe occidentale. Un nombre à peu près stable depuis cinq ans (tableau 3).

Enfin, le département de l’immigration d’Israël fait apparaître un boom de l’immigration en provenance de France depuis trois ans. La part des français a fortement augmenté, passant de 8 à 13 % de l’ensemble des immigrants.
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Source : http://www.moia.gov.il/english/netunim/yachas.asp?KodTeur=3&KodShemDoch=12&ezor=0

Notes
(*) Le Haut Conseil à l'Intégration vient de publier son rapport statistique sur l'immigration
(**) Cf. Statistiques de la Maison des français à l’Etranger – « Évolution de la population française établie hors de France inscrite de 1995 à 2004 » : http://www.mfe.org/statistiques.htm.
(***) Insee Première, août 2003 : La population française immatriculée à l’étranger est en forte hausse
(****) calculé d’après Statistical Yearbook of the Immigration and Naturalization Service, 2001, Table 9

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Tres interessant...

Anonyme a dit…

j'ai renforce ce comment sur eco sans tabou a http://bsalanie.blogs.com/economie_sans_tabou/2006/04/la_nouvelle_mig.html#comment-16240330

Anonyme a dit…

Les Français installés en Grande-Bretagne sont peu nombreux (95 000). Les personnes qui entrent en Grande-Bretagne le font davantage pour leurs études que pour le travail. Celles qui quittent la Grande-Bretagne sont d'âge actif et très peu sont des retraités.

Une désinformation insidieuse veut nous faire croire que les jeunes Français quittent la France pour trouver ailleurs un emploi qu'ils ne trouvent pas chez eux, en particulier pour aller en Angleterre. Dans l'autre sens, seuls les retraités viendraient s'établir en France. Ce discours est bien différent de la réalité.

Comme le montrent les statistiques britanniques, lors du recensement de 2001, les Français ne sont pas très nombreux en Grande-Bretagne : 95 100 (38 100 à Londres). En proportion de la population française pour 2001, seulement 0,16 pour cent des Gaulois se trouvent chez les Grands-Bretons, à comparer avec 0,32 % pour les Goths. Les pays présentés comme des modèles de réussite ont une proportion plus importantes de leurs nationaux en Grande-Bretagne : Danemark (0,35 %), Pays-Bas (0,25 %), Suède (0,25 %), de même que l'Allemagne (0,35 %) qui a longtemps été présentée comme un modèle.
L'Irlande est un cas particulier (14,11 %) et les mérites tant vantés, mais artificiels, de l'économie irlandaise n'incitent guère les Irlandais à retourner dans leur pays.
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Le principal motif est les études (26,4 %) pour ceux qui vont en Grande-Bretagne et pas le travail (22,3 %), alors que le principal motif est le travail (25,2 %) pour ceux qui quittent la Grande-Bretagne, les études comptant très peu (3,0 %).
...
Si l'on examine l'âge des migrants, ce ne sont pas des cohortes de retraités qui quittent la Grande-Bretagne mais pour l'essentiel des personnes d'âge actif. Les retraités ne sont que 2,6 % parmi ceux qui quittent la Grande-Bretagne (retraite à 60 ans pour les femmes et 65 ans pour les hommes). La plus grande proportion d'entrées entre 15 et 24 ans provient d'une beaucoup plus grande proportion d'entrées pour les études.

Lire http://travail-chomage.site.voila.fr/britan/gaulois.htm
pour plus d'informations, avec tableaux statistiques des migrations.